Olivier Chabrol, gagnant du troisième prix lors de l’édition 2017 du concours. / Capture d’écran YouTube « MT 180 »

« L’approche eulérienne de l’équation de Hamilton-Jacobi par une méthode Galerkin discontinue en milieu hétérogène anisotrope », ça ne vous parle pas ? Alors peut-être : « L’étude de la résistance aux inhibiteurs de tyrosine kinase dans la leucémie myéloïde chronique par criblage CRISPR/Cas9 » ?

Pourtant, les auteurs de ces sujets de thèse n’auront que trois minutes pour les présenter à un public de non-initiés, lors de la finale de Ma thèse en 180 secondes, mercredi 13 juin à Toulouse. Une compétition de vulgarisation scientifique lancée il y a cinq ans par le Centre national de recherche scientifique (CNRS) et la Conférence des présidents d’université (CPU) et inspirée de la « Three minute thesis » d’une université australienne. Pour arriver au rang de finaliste, les 16 doctorants, issus de disciplines diverses et variées, ont passé des sélections au sein de leurs universités, puis au niveau régional. Avec, à chaque étape, trois minutes sur scène pour expliquer des travaux très pointus, qui ont nécessité plusieurs années de recherche.

Une telle performance ne s’improvise pas. De plus en plus d’universités y préparent leurs candidats, avec un succès croissant : cette année, 797 doctorants se sont inscrits à travers la France à ces formations, contre 562 l’année dernière, d’après la CPU. Qu’ils souhaitent participer ou non à Ma thèse en 180 secondes, beaucoup jugent utile de s’entraîner à cet exercice vulgarisation.

L’université Clermont-Auvergne a d’ailleurs lancé sa première formation à la rentrée 2017 : « Il y avait une forte demande des étudiants, se souvient la responsable de la cellule de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, Camille Rivière. La gagnante régionale de l’an dernier a échangé avec d’autres participants venant de facs où des formations existaient déjà. C’est, entre autres, sur ses conseils que nous avons mis en place notre préparation. »

A l’occasion de quatre demi-journées, les 15 participants de l’université Clermont-Auvergne ont rencontré un journaliste, pour travailler l’accroche auprès du grand public et la pédagogie, ainsi qu’une comédienne avec qui ils ont façonné la forme de leurs discours et la présence sur scène.

« Ce qui m’a le plus aidé, c’est le travail en groupe »

« La communication scientifique est une des compétences que l’on souhaite développer auprès de nos étudiants, explique Denis Jongmans, directeur du collège doctoral de la communauté d’universités et établissements (Comue) Grenoble-Alpes. Ce concours est une caisse de résonance, il permet à l’université de sortir de sa tour d’ivoire pour toucher un public plus vaste. »

La Comue Grenoble-Alpes, d’où venait la gagnante de l’édition 2017, Sabrina Fadloun, a mis en place une préparation dès la première édition de MT 180, en 2014. Ludovic Lecordier, formateur en communication orale, a pris les rênes de celle-ci il y a deux ans. « L’objectif est de travailler les attitudes, les stratégies pour que chacun trouve ses points forts, sa spécificité, explique-t-il. Je ne force pas les doctorants à faire preuve d’humour si cela ne colle pas avec leur personnalité. »

Cette année, les 25 participants ont suivi une vingtaine d’heures de formation durant lesquelles ils ont travaillé, entre autres, le rapport avec l’auditoire : « Etre là avec le public, sans forcément dire quelque chose au départ, simplement façonner sa présence », explique Ludovic Lecordier. Mais aussi l’échange avec les spectateurs, le plaisir. « L’envie est présente, il faut la cultiver, la travailler, constate-t-il. Il faut trouver l’équilibre entre proposer quelque chose de sérieux sur le fond et quelque chose de plus théâtralisé sur la forme. »

Selon Camille Rivière, de l’université Clermont-Auvergne, l’intérêt n’est pas seulement de préparer la compétition : « Le fait d’apprendre à synthétiser et mettre en avant ce qu’ils font au quotidien de manière vulgarisée peut être bénéfique lors d’un entretien professionnel ou à l’occasion d’un colloque, constate-t-elle. Cela leur demande de s’adapter à un public qui n’est peut-être pas spécialiste du sujet. »

C’est aussi un des aspects positifs qu’a constaté Olivier Chabrol, doctorant en informatique à Aix-Marseille, qui a reçu le troisième prix de la finale française 2017, pour sa présentation consacrée aux « Méthodes informatiques de détection de signatures moléculaires de convergence évolutive », autrement dit expliquer pourquoi deux espèces très éloignées présentent une mutation génétique commune.

« Ce qui m’a le plus aidé, lors de la préparation à l’université, c’est de travailler en groupe : c’était vraiment bénéfique de travailler le texte des autres pour ensuite prendre du recul sur son propre texte et c’est d’autant plus riche qu’on vient de disciplines complètement différentes. Et grâce à ce concours j’ai gagné une certaine visibilité sur le campus, et cela m’a vraiment ouvert des portes », témoigne le doctorant, qui est sur le point de décrocher un emploi.