L’avis du « Monde » – on peut éviter

Ayant passé cinq ans, huit mois et douze jours derrière les barreaux à la suite d’une arnaque, Debbie Ocean (Sandra Bullock), la sœur de Danny Ocean, a eu le temps de fomenter dans les moindres détails le casse du siècle. Lorsqu’elle est enfin libérée, une seule idée l’habite : voler une rivière de diamants d’une valeur de 150 millions de dollars lors du fameux gala du Met, à New York. Pour ce faire, elle recrutera, avec Lou Miller (Cate Blanchett), son associée de toujours, une équipe de choc constituée des meilleures expertes en leur domaine : une styliste, une bijoutière, une hackeuse, une receleuse…

Dix ans après la saga Ocean, dont les trois volets furent réalisés entre 2001 et 2007 par Steven Soderbergh, l’heure appelait évidemment un spin-off féminin, composé d’un casting qui, a lui seul, justifie un tel projet : Sandra Bullock, Cate Blanchett, Rihanna ou encore Anne Hathaway. L’idée était aussi naturelle que bienvenue, dans un genre, le film de braquage, jusque-là exclusivement voué à célébrer la hardiesse et l’inventivité de la gent masculine.

Aberrations scénaristiques

Encore fallait-il s’atteler à proposer autre chose qu’un défilé de vedettes et un scénario bâclé, qui font regretter le temps d’Ocean’s Eleven. La brochette de stars tout aussi fournie du premier volet de Soderbergh, qui est aussi le meilleur, ne faisait pas oublier au cinéaste qu’il avait des personnages à faire exister et une histoire aussi crédible que spectaculaire à mettre en scène. Bref, un film à faire et qui, dans Ocean’s 8, n’existe tout simplement pas.

A trop se gargariser de servir une version féminine de la saga, Gary Ross semble ainsi croire que la portée féministe du film adviendra d’elle-même et qu’il suffit de filmer Rihanna en train de pianoter énergiquement sur son ordinateur portable et Sandra Bullock dévaliser le rayon beauté d’un magasin pour nous faire croire à des personnages féminins aussi culottés et roublards que leur ­version masculine.

Difficile donc de voir en Ocean’s 8 autre chose qu’une pâle copie, où chaque actrice vient faire acte de présence entre deux tournages. Et si tout converge vers une scène de braquage étourdissante, on sera vite rattrapés par les aberrations ­scénaristiques qui finiront de prouver l’inanité du film. Après le casse, Debbie Ocean sirote un Martini sur la tombe de son frère en lui assurant qu’il aurait aimé ça. Rien n’est moins sûr.

Film américain de Gary Ross. Avec Sandra Bullock, Cate Blanchett, Rihanna (1 h 50). Sur le Web : www.warnerbros.fr et www.oceans8movie.com