Sur « l’Aquarius » de l’ONG SOS Méditerranée le 12 juin. / HANDOUT / REUTERS

« Pendant que l’Aquarius va faire 1 500 kilomètres, aller puis retour jusqu’à Valence, qu’est-ce qu’il se passe sur la zone de naufrage ? Un bateau des garde-côtes italiens nous escorte et sera également absent. Ce sont des morts qui sont annoncées, sous nos yeux ! » Lors d’une conférence de presse tenue au siège de l’association SOS-Méditerranée à Marseille, mercredi 13 juin, Sophie Beau, la directrice générale de l’ONG qui affrète l’Aquarius, a appelé les Etats européens à « mettre en place une flotte adéquate pour mener les opérations de sauvetage ».

« Il est urgent de trouver un mécanisme pour organiser la préservation des vies humaines avant toute considération politique. Cette émotion mondiale est bien tardive. Cela fait vingt-huit mois que nous sommes en mer, vingt-huit mois que nous le répétons et personne ne nous écoute », s’est indignée Mme Beau, estimant à 15 000 le nombre de victimes disparues en Méditerranée en trois ans au large des côtes libyennes.

« Tous responsables »

Alors que l’Aquarius, le navire de l’association, a repris sa route, mardi 12 juin à 21 heures, pour le port de Valence, en Espagne, pays qui a accepté de recevoir les 629 personnes sauvées en mer au cours du week-end dernier au large de la Libye, Sophie Beau a estimé que l’inaction de l’Europe était « criminelle » et le silence du gouvernement français « assourdissant ».

« Nous savons très bien ce qu’il faut faire. Commencer par mettre des bateaux et ensuite se répartir la tâche entre Etats européens », a-t-elle rappelé, refusant de tenir seule l’Italie pour responsable de la crise qui a touché l’Aquarius.

« Les Etats européens ont laissé l’Italie se débrouiller depuis des années, ont refusé d’entendre les appels à l’aide de ce pays. On ne peut pas aujourd’hui faire semblant d’être étonnés devant une situation qui dure depuis des mois et des mois. Face à ce blocage, nous en appelons aux Etats européens qui sont tous responsables », a expliqué Mme Beau.

« Une épopée »

La directrice de SOS-Méditerranée a également fait un point sur la situation de l’Aquarius, qui, dans la matinée de mercredi 13 juin, « longe[ait] les côtes de Sicile ». « Nous avons enfin repris la mer à 21 heures [mardi soir], en direction de Valence. Un départ rendu possible suite à l’intervention des autorités espagnoles qui ont proposé un port de débarquement. Une solution que nous avons eue en mains lundi soir. »

Avant de pouvoir effectuer ce trajet de 1 500 kilomètres, une opération de transbordement d’une partie des 629 naufragés sauvés en mer Méditerranée dans la nuit de samedi à dimanche, a dû être effectuée. « L’Aquarius était en totale surcapacité et n’était pas en mesure d’effectuer un trajet aussi long en sécurité », a rappelé Mme Beau.

Deux cent soixante-quatorze rescapés ont été accueillis sur un navire de gardes-côtes italien, le D’Attilo. Un navire de guerre italien, l’Orion, a également reçu 250 passagers. Cent six naufragés sont restés à bord de l’Aquarius. Les trois bâtiments font route en flottille vers Valence à une vitesse réduite en raison des conditions de navigation.

Selon Sophie Beau, l’Aquarius pourrait atteindre Valence en fin de semaine, « probablement autour de samedi soir ». Un voyage – « une épopée », a défini Mme Beau – rendu difficile par des conditions météo qui devraient se dégrader. « Nous attendons des vents de 35 nœuds et des creux de 4 mètres », a-t-elle annoncé.

La directrice de SOS-Méditerranée a précisé que son organisation n’avait pas l’intention de porter plainte contre l’Italie pour non-respect du droit maritime international : « Nous sommes une organisation de sauvetage. D’autres organisations mèneront peut-être des actions sur ce plan, mais ce n’est pas notre vocation. Notre priorité, c’est le dénouement de cette crise. »

Images à bord de l’« Aquarius », où 629 migrants patientent toujours
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