Documentaire sur France 3 à 20 h 55

Clin d’œil à leur passion commune pour la littérature autant qu’à la singularité de leur histoire, le mot « roman » revient comme une antienne lorsqu’il s’agit d’évoquer le couple présidentiel. Avec, accessoirement, quelques réfé­rences aux héros de Stendhal, de ­Balzac, de Maupassant, leurs auteurs de prédilection, dans les pas desquels Emmanuel et Brigitte Macron semblent marcher.

Du coup de foudre entre l’élève de terminale et la professeure de lettres, mariée et mère de trois ­enfants, à leur amour vécu envers et contre tous, malgré leur différence d’âge de vingt-quatre ans, de la conquête du Tout-Paris à leur ascension politique fulgurante jusqu’au sommet de l’Etat… Tout semble avoir été dit sur ce tandem fusionnel, qui, main dans la main, a conquis le pouvoir, en ne laissant le soin à personne, ou presque, d’écrire ce récit des plus « romanesques ».

Raison pour laquelle, sans doute, Philippe Besson, écrivain et ami du couple, ne trouva pas le souffle de l’épopée pour retracer, dans Un personnage de roman (Julliard, 2017), le portrait de son champion. Ou encore pour laquelle, aujour­d’hui, Virginie Linhart, dans une démarche moins littéraire, a choisi, pour échapper à la redite, de s’intéresser au parcours de ­Brigitte Macron. Une première dame qui, fonction oblige, joue ici la grande muette.

Famille en vue et influente

Dommage, car on aurait aimé l’entendre sur les deux piliers qui la constituent, selon la réalisatrice – la tradition et la rupture –, et qui formulent une image ­complexe, sinon paradoxale, de cette femme. A défaut, la documentariste a interrogé l’une de ses filles, Tiphaine, ses proches amies, mais aussi ses anciens élèves et collègues, qui dressent un portrait louangeur de l’ex-enseignante attentive, portée par le désir constant d’insuffler confiance, d’accompagner et de motiver. C’est du reste dans les premiers chapitres de son film que Virginie Linhart apporte des éléments, peu ou mal connus, sur l’enfance et l’adolescence provinciales et choyées de la petite dernière du clan Trogneux. Une famille en vue et influente de chocolatiers amiénois. Ainsi que le concède Gilles de Robien, bénéficiaire de leur soutien pour s’emparer de la mairie d’Amiens, en 1989. Et, plus particulièrement, de celui de Jean-Claude, l’aîné, que vingt années séparent de sa sœur cadette.

Brigitte Macron, en compagnie de son époux, en décembre 2017. / ROMAIN GAILLARD/POOL/BESTIMAGE

Son goût pour la littérature la porte à étudier celle-ci, sitôt son bac en poche. Peut-être l’aurait-elle amenée à enseigner si elle n’avait rencontré son ­premier époux, André-Louis Auzière, banquier, avec lequel elle aura trois enfants. La vie de famille avant la vocation et le désir d’émancipation, tradition oblige, sans doute. Pourtant, c’est bien cette vocation d’enseignante, qu’elle concrétise en 1989, qui lui fait rencontrer au ­lycée de la Providence, à Amiens, le jeune Emmanuel.

Si la suite de cette histoire d’amour atypique a été maintes fois relatée, l’intérêt du film, dans sa seconde partie, réside moins dans le récit que dans l’analyse qu’en font les différents intervenants (journaliste, biographe, historien). Relevant le rôle essentiel joué par Brigitte Macron auprès de son époux – tant en ce qui concerne réseaux que l’image –, tous soulignent, derrière l’éternel sourire de félicité qu’elle affiche, son ambivalence entre transgression et tradition, s’exprimant désormais à travers son « look habité de sens » de première dame.

Brigitte Macron, un roman français, de Virginie Linhart (Fr., 2018, 90 min).