Le lourd fardeau de la Coupe du monde. / Aly Song / REUTERS

Un mois en immersion à la Coupe du monde, cela se prépare. Lors de la dernière compétition internationale, j’avais provoqué la colère de ma famille parce qu’elle me reprochait de ne pas lui adresser la parole lorsque les matchs débutaient. Un comble quand on sait que le manque de respect venait essentiellement de ces individus incapables de comprendre la dramaturgie d’un Roumanie-Suisse. Cette fois, j’avais réuni ma femme et mes enfants dans la cuisine. « Ce sera dur, mais il faudra tenir. Hugo, je te fais confiance pour t’occuper de ta mère. J’en ai rien à foutre, à 3 ans, on doit être capable d’être le chef de famille. »

Mon sac vissé sur le dos, un maillot de l’équipe de France sur les épaules, douze packs de bière afin de me restaurer et un seau me servant à faire mes besoins, je suis prêt à prendre possession du salon. Je m’étais promis de ne pas croiser le regard de mes enfants pour ne pas avoir l’envie de faire marche arrière. J’entends leurs sanglots étouffés et leurs larmes heurter le carrelage du couloir. Sur un bout de papier, j’ai noté le nom de chacun pour ne pas les oublier à mon retour. Ma femme ne peut s’empêcher de me serrer dans ses bras même si je tente de la repousser car un filet de bave commence à tâcher mon habit de lumière floqué « Giroudinho ».

« Sylvie, je te fais confiance. Nous avons vécu des moments compliqués et nous nous en sommes toujours sortis. » J’embrasse son front une dernière fois et lui donne rendez-vous dans un mois, tout en espérant survivre sur le champ de bataille sportif. La télécommande placée sur le cœur, je récite l’hymne publicitaire du sponsor principal de l’équipe de France et je m’installe dans le canapé qui me fera traverser 32 pays en quelques semaines. Tout est prêt. Allez les Bleus.

Par Eddy Fleck