L’épreuve de philosophie est chaque année la première du bac. / École polytechnique - J.Barande (CC BY-SA 2.0)

Lors d’un tchat sur LeMonde.fr, Emilie Bathier, professeure agrégée de philosophie dans l’Eure, a répondu à des questions d’internautes avant l’épreuve du bac, lundi 18 juin.

Quel est votre premier conseil ?

Emilie Bathier : Je vous conseille d’abord de bien vous approprier les méthodes de chaque exercice pour comprendre que ce qui est attendu, c’est d’abord d’être capable d’identifier ou de poser un problème, puis dans un second temps seulement de s’appuyer sur des connaissances pour le traiter.

Plus le 18 juin se rapproche et plus ma fille a l’impression de ne rien savoir, même d’oublier des « trucs ». Rassurez-la : ça revient le jour J ?

Cette angoisse est fréquente, rassurez-la, elle la poursuivra toute sa vie à chaque fois qu’elle aura un examen ou un concours à passer ! Elle est parfaitement normale : l’élève qui révise est confronté à une masse importante de connaissances, qu’il lui est en effet impossible de remobiliser « à froid ». En revanche, le jour de l’épreuve, il est interrogé sur un sujet précis, avec un enjeu, et il peut alors mobiliser celles de ses connaissances utiles pour son traitement : c’est ce que Bachelard montre du fonctionnement de la mémoire, les connaissances se mobilisent lorsque la nécessité est présente, et focalisée sur un point.

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Faut-il obligatoirement une ou des citations dans une dissertation de philosophie ?

Pour bien traiter un problème, il est nécessaire de s’appuyer sur des outils présents dans le cours reçu durant toute l’année : des concepts précis (pas de flou artistique sur les notions du programme) et l’approche de tel ou de tel auteur. Il est largement préférable d’avoir compris et de pouvoir restituer par soi-même une pensée, plutôt que de recourir à une citation « décorative » que l’on n’est pas capable d’expliciter. Si, en revanche, on se rappelle de citations littérales venant asseoir une analyse personnelle, elles sont évidemment les bienvenues !

Quelles sont les erreurs fréquentes à ne pas faire lors de l’épreuve ? Le fait de trop citer le texte est-il pénalisant ?

L’explication de texte demande d’identifier et d’éclairer, par une lecture précise, le problème abordé par l’auteur. Donc, le premier défaut, très fréquent dans les copies, est de se limiter à une paraphrase où on raconte ce que dit l’auteur, sans élaborer cette lecture problématisée du texte. Second défaut, diamétralement opposé : parfois, le texte devient un prétexte à disserter sur sa problématique, sans en faire une lecture assez fine et précise. Pour éviter ces deux travers, il faut donc veiller à citer le texte et à en expliciter les concepts et les idées, quitte à faire des rapprochements et des oppositions avec d’autres auteurs rencontrés pendant l’année, pour montrer comment procède l’auteur pour éclairer une problématique.

Dans les grandes lignes, qu’est-ce que le correcteur attend de nous en philo ?

C’est une excellente question, préalable à tout travail efficace. Le correcteur attend des candidats qu’ils aient acquis des outils conceptuels précis et sachent les utiliser pour approfondir une réflexion, qu’ils sachent poser un problème et structurer une argumentation cohérente et qui ne se limite pas à une revue d’exemples, qu’ils tirent profit de leurs neuf mois de cours de philosophie. Une présence attentive en cours y prépare bien, par la vertu de l’exemple donné par l’enseignant.

On dit souvent qu’en philosophie il ne faut pas réciter son cours dans une dissertation…

Il peut arriver qu’un professeur ait pendant l’année traité exactement l’angle qui tombe au bac, dans ce cas, le travail de restitution suffit, mais il faut garder en tête de faire d’abord une analyse précise du sujet pour éviter le hors-sujet, qui va souvent avec la récitation de cours.

Le texte pour l’explication de texte en philosophie est-il choisi au hasard ou a-t-il un quelconque lien avec les sujets de dissertation proposés ?

Il arrive fréquemment que les candidats en mal de connaissances s’appuient sur un sujet pour en traiter un autre, par exemple utilisant quasi exclusivement le texte du sujet 3 pour traiter une des deux dissertations. Or, sauf exception, et encore à la marge, les trois sujets sont indépendants les uns des autres. Cette maladresse est à éviter, le correcteur y voyant surtout le signe que le candidat n’avait pas grand-chose à dire.

Toute l’année, je n’ai pas révisé les cours de philosophie et j’avais 10/11 avec une moyenne de classe de 10,5. Une fois, je l’ai révisé ; et j’ai eu 8. Est-ce que je dois réviser la philo pour le bac ?

La réussite de l’épreuve dépend en grande partie d’une bonne méthode : savoir poser un problème, construire une réflexion argumentée permettant une véritable conclusion, il ne s’agit pas seulement de réciter des connaissances. Néanmoins, on pense de manière d’autant plus structurée que l’on a des outils à mobiliser pour le faire, et ces outils sont dans le cours de l’année.

Je n’ai jamais eu la moyenne pendant l’année en dissertation. Me conseillez-vous de prendre l’explication de texte ?

L’explication de texte rassure certains, qui se disent qu’ainsi, en brodant un peu, ils arriveront bien à remplir une copie, mais c’est un leurre : l’exercice n’est pas plus facile que la dissertation, il est juste différent. Dans votre cas, il serait surtout utile de reprendre vos copies en listant ce qui ne va pas (en général les mêmes défauts à chaque fois) pour travailler efficacement d’ici l’épreuve.

Faut-il faire une ouverture en fin de conclusion de dissertation ?

Fréquentes sont les copies qui ont la maladresse d’ouvrir en fin de conclusion… sur un problème qui aurait dû faire partie du corps du devoir ! Cette obsession de l’ouverture chez les élèves est donc à relativiser : si certaines problématiques y incitent logiquement (quand un problème conduit à l’issue de son traitement vers un autre), autant éviter les ouvertures qui n’en sont pas.

Le fait d’exposer ses connaissances lors d’une explication de texte va-t-il va valoriser la copie sachant que les connaissances ne sont pas forcément nécessaires pour faire le commentaire ?

L’explication de texte précise que « la connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise ». La consigne précise ensuite que l’étude ordonnée du texte doit rendre compte du problème dont il est question dans l’extrait : l’introduction doit donc introduire ce problème et certainement pas la vie et l’œuvre de l’auteur. Maintenant, si un candidat peut, par ailleurs, étoffer son devoir de connaissances, il n’en sera que meilleur.

Quelles sont les impasses qu’on peut faire en philo cette année ?

Lorsqu’on observe la succession des sujets au fil des années, on comprend qu’une notion peut parfaitement revenir plusieurs années de suite. La logique de l’impasse est donc… une impasse !

Dans quelle mesure les élèves peuvent-ils donner des références non académiques en philo ? (rap, etc.)

Le bac est une épreuve académique, qui a donc des exigences normées. Rien n’interdit d’ajouter à cette approche des exemples ou des éclairages venant d’une culture personnelle plus large, néanmoins il ne faut pas perdre de vue qu’on attend des candidats qu’ils montrent qu’ils ont assimilé des méthodes et des outils attendus par les programmes.

J’ai lu la copie du fils d’un ami 8/20 « on ne vous demande pas votre avis etc. » Comment concilier l’esprit même de la philo, le monde actuel et l’énergie de certains jeunes ?

Souvent, les candidats confondent « penser par soi-même » et « donner son opinion ». Si le devoir s’en tient à être la tribune d’une opinion qui ne s’appuie sur aucun outil intellectuel élaboré, alors en effet ce n’est pas ce qui est attendu. Si le candidat s’appuie sur ces outils pour produire une réflexion originale et argumentée, alors il s’agit d’un excellent devoir !

Comment bien reformuler le sujet en dissertation ?

Souvent, les candidats confondent le travail d’élaboration d’un problème en introduction avec une simple reformulation du sujet. Si le sujet a été posé ainsi, il n’a pas à être reformulé, c’est tel qu’il est posé qu’il faut le traiter. En revanche, en l’analysant, un problème sous-jacent apparaît (soit un présupposé, soit des conséquences, soit une contradiction, soit une redondance, etc.), et c’est en l’identifiant qu’on pourra correctement structurer son devoir.