Le candidat de la gauche indépendante à la présidentielle colombienne, Gustavo Petro, embrasse l’ex-otage des FARC, Ingrid Betancourt, le 17 juin, à Bogota. / RAUL ARBOLEDA / AFP

Elles ont été sœurs de captivité pendant près de six ans, dans la jungle, avant d’être libérées en 2008 des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Avant la prise d’otage, lors de la campagne présidentielle de 2002, Ingrid Betancourt et Clara Rojas s’étaient associées sous la bannière du parti Oxigeno Verde, l’équivalent des Verts. Au cours de leur détention, leurs relations s’étaient détériorées. Elles empruntent aujourd’hui, pour la présidentielle dont le second tour aura lieu dimanche, des chemins radicalement opposés.

Chacune a porté son soutien à un candidat différent : Ivan Duque, de la droite dure, pour Clara Rojas et Gustavo Petro, de la gauche indépendante et ancien guérillero du M-19, pour Ingrid Betancourt. Une divergence dont s’est emparé le journal El Espectador, qui a publié le 13 juin les tribunes des deux anciennes otages sur les raisons de leur soutien.

Avec Petro, « nous pouvons accélérer l’histoire »

Ingrid Betancourt ne dévie pas de la position qui avait été la sienne alors qu’elle concourait à la présidence en 2002. Bien qu’ayant quitté la vie politique depuis, celle-ci promeut activement la paix, « de sorte qu’aucun autre Colombien ne vive la même chose » qu’elle.

Le candidat de gauche veut poursuivre les accords de paix signés avec les FARC en 2016 et les consolider par d’importantes réformes. « Je suis excitée de penser que nous pouvons accélérer l’histoire […] en pariant sur le développement par l’éducation et la connaissance, à l’heure de la révolution numérique. J’ai été témoin en captivité de l’intelligence mal utilisée des jeunes abandonnés à leur sort, et je connais le capital humain que nous gaspillons en Colombie », affirme la Franco-Colombienne dans El Espectador.

« Ivan Duque s’est engagé auprès des femmes victimes du conflit »

Face à elle, Clara Rojas, députée depuis 2014 sous la bannière du Partido Liberal, parti socialiste historique qui soutient désormais la candidature d’Ivan Duque, est plus floue quant à ses motivations. Elle qui avait soutenu activement les accords de paix en 2016, et qui reconnaît avoir appelé jusqu’ici au vote blanc, s’est finalement rangée à la volonté de son parti. Ivan Duque « ne propose pas de démembrer [les accords de paix] mais de modifier certains aspects », souligne-t-elle.

Ivan Duque demande à ce que les FARC démobilisés soient condamnés à des peines de prison minimales pour leurs crimes. Il entend retirer aux anciens guérilleros accusés de crimes contre l’Humanité le droit de siéger au Congrès.

Clara Rojas applaudit également aux propositions du candidat de la droite en faveur des femmes victimes du conflit : « Ivan Duque s’est engagé à travailler intensément pour ces femmes. Elles seront incluses dans le programme national de légalité, d’entrepreneuriat et d’équité, comme toutes les autres victimes des violences. »

Dans son texte, Ingrid Betancourt dénonce la corruption qui sévit dans son pays et qui menace, selon elle, la paix en Colombie. Au cours de sa détention de 2002 à 2008, le président Alvaro Uribe (2002-2010) s’était refusé à poursuivre les négociations avec les FARC. Un épisode qui a marqué l’ancienne candidate qui combat l’« uribisme » représenté par l’actuel favori des sondages Ivan Duque. Plusieurs ministres du président Uribe avaient été mis en cause dans des scandales de corruption.