Le symbole était fort. Il n’aura pas tenu une semaine. Au matin du jeudi 14 juin, les Nantais ont découvert que l’escalier, surnommé depuis peu les « marches des fiertés », avait été largement dégradé dans la nuit. Des individus sont venus recouvrir de peinture blanche en deux endroits l’œuvre aux couleurs arc-en-ciel située rue Beaurepaire, dans le centre-ville de Nantes.

« Il s’agit là clairement d’un acte de vandalisme homophobe », juge la maire, Johanna Rolland, qui confirme au Monde que la ville porte plainte pour dégradation. « Il n’est pas question de céder quelques millimètres à une logique d’intimidation », affirme l’élue socialiste.

Noé Parpet, président du Nosig, une association LGBTI + (lesbiennes, gays, bi, trans, intersexes), qui avait participé à la réalisation de cette œuvre avec plusieurs proches, « en était fier » de ce lieu rafraîchi aux couleurs du rainbow flag, divulgué vendredi 8 juin, la veille de la marche des fiertés.

Celle-ci avait été couronnée de succès, avec 5 000 personnes qui ont défilé malgré la pluie dans une ambiance festive et pacifique.

Aujourd’hui, Noé Parpet se dit « triste que même cela soit dégradé », d’autant plus que les réactions de la population à l’égard de ce lieu coloré étaient excellentes.

« On ne se voile pas la face, nous gardons bien en tête que les violences homophobes augmentent, comme le signale le dernier rapport de SOS Homophobie », raconte le président du Nosig. L’association LGBTI + annonce d’ailleurs vouloir porter plainte pour homophobie. Pour Noé Parpet, la mobilisation et la visibilité de la communauté queer est d’autant plus nécessaire après ces derniers événements :

« S’il y a un acte de dégradation dès qu’il y a apparition d’un escalier multicolore, cela laisse imaginer la difficulté de marcher main dans la main pour les couples d’homosexuels et de lesbiennes. »

En début de semaine déjà, un tag « Légalisez la pédophilie » avait été inscrit sur l’une des marches avant d’être recouvert. A plusieurs reprises depuis que l’escalier coloré a été présenté au public, les antifascistes avaient prévenu les bénévoles du Nosig que des individus cherchaient à y peindre des croix celtiques, un symbole lié à l’extrême droite française.

« Montrer que la ville n’appartient pas à la minorité haineuse »

Vincent Damis, conseiller départemental du canton Nantes-1 (celui du centre-ville), ancien président du Nosig, déplore lui aussi ces dégradations et intimidations. L’élu divers gauche estime que la ville du Grand-Ouest est « très tolérante » mais qu’une « minorité agissante a la volonté réactionnaire d’effacer tout ce qui exprime la diversité et le vivre-ensemble ».

« Cette dégradation symbolise bien la convergence des intolérances d’une partie de la population. Ces personnes ont des réflexes liés aux territoires, ils ont l’impression que celui-ci leur appartient. C’est pour cela que cette œuvre apparaît comme une provocation insupportable pour eux. »

« Les opposants à l’égalité des droits agissent une nouvelle fois de manière lâche et toujours cachée, la nuit, en catimini », explique Vincent Damis, en rappelant que la région Pays de la Loire est dirigée par « une droite extrême, proche de La Manif pour tous et de Sens commun ». A la tête de la région depuis octobre 2017, Christelle Morançais, élue LR, a succédé à Bruno Retailleau, touché par le cumul des mandats. Elle se revendique de la génération Sarkozy, de la Droite forte et a milité auprès de La Manif pour tous « jusqu’à l’adoption de la loi ».

Raison de plus pour Vincent Damis de ne jamais laisser passer les messages intolérants. Il applaudit d’ailleurs le fait que Johanna Rolland ait « toujours affiché son soutien à la communauté LGBT ». « Il faut marquer le coup, montrer que la ville n’appartient pas à cette minorité haineuse », affirme l’élu divers gauche.

D’ores et déjà, la maire de Nantes se dit favorable à la remise en état des « marches des fiertés » et à l’installation d’une caméra pour dissuader tout nouvel acte de vandalisme. Elle a déposé une demande en ce sens auprès de l’architecte des Bâtiments de France et compte ainsi pérenniser le lieu au-delà de l’été.

Le monde est-il de plus en plus homophobe ?
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