Emmanuel Macron rencontre Giuseppe Conte le 8 juin au G7 au Canada. / IAN LANGSDON / AFP

Le chef du gouvernement italien Giuseppe Conte a maintenu jeudi 14 juin son rendez-vous vendredi à Paris avec Emmanuel Macron malgré les fortes tensions diplomatiques entre les deux pays sur la question des migrants, qui met au défi l’unité de l’Europe.

L’exécutif italien avait menacé d’annuler ce rendez-vous, faute d’excuses officielles d’Emmanuel Macron. Celui-ci avait dénoncé mardi « la part de cynisme et d’irresponsabilité du gouvernement italien » dans la gestion de l’Aquarius, le navire humanitaire que Rome a refusé de laisser accoster. A bord, une majorité de migrants originaires d’Afrique (issus de 23 pays du continent), et plusieurs autres d’Afghanistan, du Pakistan et du Bangladesh, selon Médecins sans Frontières Espagne.

Alors que le navire est attendu samedi à Valence, le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a affirmé jeudi à son homologue espagnol que la France était prête à accueillir des migrants « qui répondraient aux critères du droit d’asile » après examen de leur situation sur place par des agents français, selon un communiqué du Quai d’Orsay.

D’après deux communiqués identiques des gouvernements français et italien, MM. Macron et Conte sont convenus que des « nouvelles initiatives à discuter ensemble étaient nécessaires » et ont confirmé le déjeuner prévu à Paris qui sera suivi d’une conférence de presse conjointe.

« Le président de la République a souligné qu’il n’avait tenu aucun propos visant à offenser l’Italie et le peuple italien », selon ce texte qui, sans formuler d’excuses officielles françaises, joue sur l’apaisement entre les deux parties.

Interrogé avant d’entrer au sénat italien, M. Conte a déclaré que, « oui absolument », le contentieux est clos, ajoutant que M. Macron « tenait beaucoup à maintenir cette invitation à déjeuner ».

« Travail collectif »

De son côté, le président français a estimé que « l’heure est au travail collectif » avec l’Italie. « Notre Europe a besoin de quoi ? De solutions. Ce à quoi je m’évertue depuis que j’ai été élu », a-t-il dit, ajoutant : « Je poursuis depuis le début de mon mandat une volonté de travailler avec l’Italie, de l’autre côté de la Méditerranée travailler pour protéger nos frontières, travailler de manière partenariale parce que nous avons des frontières communes ».

La relation entre Paris et Rome, de plus en plus tendue du fait de la pression migratoire qui tétanise l’Europe entière, s’est brusquement dégradée depuis la crise du navire Aquarius. L’errance du bateau a mis en lumière la vacuité de la politique migratoire européenne, tiraillée entre les positions très divergentes de ses Etats membres.

La crise intervient avant un Conseil européen crucial les 28 et 29 juin, qui doit porter en particulier sur la question des migrants.

L’ex-président François Hollande a déploré que les pays européens affichent leur « division », estimant que les migrations posaient la question de « l’avenir de l’Europe ».

Le pape François a appelé à une « assistance de toute la communauté internationale » pour aider les migrants, vulnérables et isolés, « étant donné que sa dimension transnationale va au-delà des capacités et ressources de beaucoup d’Etats ».

Parallèlement, la justice hongroise a condamné jeudi à des peines de prison ferme – jusqu’à 25 ans – les trafiquants jugés pour la mort par suffocation de 71 migrants dans un camion frigorifique découvert en Autriche en 2015.

« Preuve de réalisme »

Le gouvernement italien avait menacé d’annuler la rencontre entre M. Macron et M. Conte. Le président français avait réagi dans un premier temps en appelant mercredi à ne pas « céder à l’émotion », assurant qu’il continuait à travailler « main dans la main » avec l’Italie.

La ministre des affaires européennes Nathalie Loiseau a expliqué jeudi à Europe 1 qu’Emmanuel Macron et Giuseppe Conte avaient eu « cette nuit une conversation cordiale au téléphone ». « Personne ne donne de leçons à personne. Il y a aussi les propos italiens sur la France qui sont regrettables », a-t-elle ajouté.

Une source diplomatique française a jugé qu’« il ne faut pas être naïfs dans nos relations avec le nouveau gouvernement italien, dont on connaît la formation ». « Mais compte tenu de l’immensité du problème des migrations, qui va être durable, il faut faire preuve de réalisme », a-t-elle ajouté.