Ousmane Dembélé et Corentin Tolisso, le 12 juin. / David Vincent / AP

Atmosphère pesante dans l’auditorium du Stade de Kazan, la très chamarrée capitale du Tatarstan. A la veille de l’entrée en lice de l’équipe de France en Coupe du monde, samedi 16 juin contre l’Australie, le mot « jeune » est revenu en boucle lors de la conférence de presse de Didier Deschamps. Avec insistance, les suiveurs des Bleus ont sondé le sélectionneur sur « la moyenne d’âge » extraordinairement basse de ses 23 protégés (25 ans et des poussières).

Dans l’assemblée, certains avaient fait leurs calculs tout en farfouillant dans les archives. « L’approche d’un Mondial est-elle différente quand on a la plus jeune équipe de France de départ dans la compétition depuis 1930 ? » a demandé un journaliste. La réponse de Deschamps, un brin agacé, a fusé : « Je n’ai pas été regarder aussi loin. Certes, ils sont jeunes, mais ils sont habitués aux grands clubs. Il y a quatorze joueurs qui n’ont pas connu de grande compétition internationale, mais si je les prends, c’est que j’estime que c’est bien pour l’équipe. Ce n’est pas une prise de risque. »

Davantage tendu que d’habitude face aux médias, le patron des Tricolores a décidé de frapper fort pour ce baptême du feu. Tout porte à croire que le onze qu’il alignera contre l’Australie ne comptera que trois joueurs âgés de plus de 25 ans (Hugo Lloris, N’Golo Kanté et Antoine Griezmann). En envoyant sur le banc des remplaçants des « tauliers » comme Blaise Matuidi ou Olivier Giroud (31 buts au compteur en sélection), 31 ans tous les deux, Deschamps fait clairement le pari de la fougue et de l’explosivité.

Capitaine et vétéran (31 ans) de ce onze titulaire probable, Hugo Lloris a, lui, préféré mettre en exergue les notions de « fraîcheur », « d’insouciance » voire de « folie ». « Les jeunes sont très ambitieux, ne se cachent pas et veulent toujours montrer des choses », a martelé le gardien des Bleus. Difficile de lui donner tort à l’aune de l’impressionnant vivier dont dispose le sélectionneur.

Nouvelle vague

Un constat s’impose : la nouvelle vague incarnée par Kylian Mbappé, 19 ans, deuxième joueur le plus cher du monde (180 millions d’euros), et Ousmane Dembélé – de dix-huit mois son aîné et transféré contre 120 milions d’euros à Barcelone à l’été 2017 – est en passe de prendre les rênes. Les deux compères aiment d’ailleurs rappeler à tous leurs affinités sur le terrain. « Je ne suis pas là pour faire plaisir aux copains des copains », a, certes, prévenu Deschamps cette semaine, comme pour mieux affirmer son autorité.

Il n’empêche que Mbappé et Dembélé devraient pourtant épauler Antoine Griezmann, leader technique des Bleus, pour renverser les Socceroos à la Kazan Arena. Le tandem à l’ambition débordante illustre bien le basculement qu’est en train de vivre l’équipe de France, deux ans après sa défaite en finale de l’Euro 2016 contre le Portugal. Avec l’émergence des Benjamin Pavard, Lucas Hernandez (22 ans) et Corentin Tolisso (23 ans), les repères sont devenus flous, la concurrence s’est accrue, et la hiérarchie s’en trouve soudainement bousculée.

Ces derniers jours, Deschamps a renvoyé dans leurs cordes ceux qui glosaient sur le prétendu « manque d’expérience » de ses troupes. Seuls six des 23 joueurs retenus par Deschamps ont pourtant disputé le Mondial brésilien de 2014. Ce faible ratio n’inquiète pas le sélectionneur. D’autant que, mécaniquement, l’essor de cette jeune garde a le mérite de placer les « anciens », comme Raphaël Varane, Paul Pogba (25 ans), et Antoine Griezmann (27 ans), face à leurs responsabilités.

« Si c’était sur le papier, on serait déjà en finale »

Nul ne sait jusqu’où peut aller cette escouade pleine de culot lors de cette compétition souvent remportée par des sélections aguerries ? Parviendra-t-elle à atteindre le dernier carré, l’objectif minimal fixé par Noël Le Graët, le président de la Fédération française de football (FFF) ?

« Si c’était sur le papier, oui, on serait déjà en finale ou en demi-finales », assurait au Monde, en mai, Kylian Mbappé qui veut « gagner, gagner, gagner » le tournoi planétaire. L’attaquant du Paris-Saint-Germain rappelait à cette occasion que Deschamps lui avait « donné carte blanche », en mars 2017, lors de son baptême du feu avec les Bleus. Signe de la confiance placée par le technicien en ses « bizuts ».

« Il faut mordre à pleines dents comme si c’était une pomme », a insisté le patron des Tricolores avant le match contre l’Australie. Lancés dans le grand bain, ses jeunes prodiges se montreront-ils à la hauteur ? Réponse ce samedi à midi.