Ari Skulason et ses coéquipiers islandais ont tenu en échec l’Argentine samedi à Moscou. / Matthias Schrader / AP

On attendait le Messi, Lionel et pas le fils de dieu, et on a eu finalement onze footballeurs islandais. Un furieux air de déjà-vu, cette équipe d’Islande a encore une fois démontré aux sceptiques que cela fait bien longtemps que l’on ne peut plus la considérer comme une mode sympathique et passagère. Bien sûr, on n’a donc pas échappé au clapping réalisé en communion avec les milliers de leurs supporteurs, qui eux aussi ont vaillamment résisté en tribunes à la marée argentine.

Les coéquipiers d’Aron Gunnarsson, capitaine barbu et tatoué, ont fêté de longues minutes, comme une victoire, le match nul arraché contre l’Argentine (0-0) sur la pelouse du superbe stade du Spartak à Moscou. Au grand étonnement, ou amertume, d’un journaliste argentin qui s’en est ému en conférence de presse auprès du gardien Hannes Halldorsson, élu homme du match.

Samedi, la rencontre entre l’Argentine et l’Islande a célébré la puissance de l’organisation collective au détriment de l’individualisme, aussi talentueux soit-il. N’est pas Cristiano Ronaldo qui veut, même lorsque l’on s’appelle Lionel Messi : le Portugais marche sur l’eau depuis quelques semaines, quand l’Argentin a manqué aujourd’hui un penalty, une flopée d’occasions et a trop voulu forcer son destin.

Les Islandais ont eux exécuté leur plan de jeu à merveille. La recette est connue depuis l’Euro 2016: une solidarité de tous les instants, une efficacité rare dans la manière de quadriller le terrain, la faculté à savoir alterner entre les longs dégagements et les relances propres depuis l’arrière. Sans oublier la prise à deux ou trois de l’adversaire et la couverture permanente de l’éventuelle erreur de son camarade.

Le sélectionneur Heimir Hallgrimsson s’en est félicité en conférence de presse : « Nous savions comment le match allait se dérouler, nous savions avant le match qu’ils auraient 70 % de la possession. Il faut saluer le travail défensif, la discipline de nos joueurs face à des footballeurs de classe mondiale. On a réussi à annihiler un bon nombre de leurs actions à leur tout début. »

Les grincheux peuvent critiquer un jeu défensif mais cela ressemble à se moquer de l’intelligence. Une qualité pas inutile en football. « Nous devons être honnêtes sur nos capacités. Face à une équipe comme l’Argentine, c’est simplement un fait qu’ils ont des individualités supérieures, qui évoluent dans de meilleurs championnats… », a assumé Hallgrimsson.

Moins nombreux que leurs homologues argentins, les supporteurs islandais ont fêté le match nul de leur équipe. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Solides en défense, les Islandais ont pu s’appuyer sur le travail admirable de leur milieu de terrain. S’il est possible de détacher deux individualités de cette machine habilement huilée, on choisit sans hésitation la boule à zéro d’Emil Hallfredsson et la silhouette longiligne de Gilfy Sigurdsson, revenu sur le fil et en pleine forme d’une blessure au genou, souvenir d’un choc mi-mars sur les rugueux terrains de Premier league.

En 2014, les Islandais avaient échoué lors des barrages à se qualifier pour la Coupe du monde. En 2016, ils avaient botté les fesses des Néerlandais pour gagner le droit de disputer leur premier tournoi majeur, l’Euro français, avant de se révéler à la face du monde en tenant en échec les Portugais en poule et en éliminant les Anglais en 8es. Seuls, les Bleus avaient stoppé leur parcours en quart.

« On mérite d’être ici et notre présence n’est pas un miracle »

Attendue au tournant, la sélection islandaise a poursuivi sur sa lancée en décrochant brillamment son ticket pour la Coupe du monde en Russie. Dans un groupe très relevé, l’Islande a terminé en tête devant des équipes comme la Croatie, l’Ukraine ou la Turquie.

Vendredi, devant la presse internationale, le coach Heimir Hallgrimsson avait séché ceux qui continuent à percevoir sa sélection comme une surprise. « L’équipe est très stable depuis quatre ans, on tourne autour de la vingtième place au classement FIFA… On mérite d’être ici et notre présence n’est pas un miracle. Si certains sont surpris, c’est qu’ils ne connaissent pas grand-chose de l’équipe nationale d’Islande. »

Il faut dire que le chemin parcouru depuis bientôt dix ans a de quoi étonner même les journalistes islandais. Pourtant au fait du plan efficace lancé par la Fédération islandaise pour dynamiser son football, à base de constructions de terrains couverts et de formation d’excellence des entraîneurs dès le plus jeune âge.

« Si vous demandez aux Islandais, c’est déjà un rêve devenu réalité juste d’être à la Coupe du Monde. Il y a seulement 8 ans, cela semblait impossible. Tout le monde était conscient qu’il est plus que probable que l’Islande soit éliminée en phase de groupes, mais tout le monde sait aussi que cette équipe est capable de créer des miracles, raconte Sindri Sverrisson, journaliste pour le quotidien Morgunbladid, Ces joueurs sont là où ils sont parce qu’ils ont une croyance infinie en eux-mêmes et ils ne seront pas satisfaits avant de réussir au moins à sortir de leur groupe. »

Il paraît évident que les Islandais n’entameront pas cette fois-ci, vendredi 22 juin, leur deuxième match de Coupe du monde contre le Nigeria dans le costume de l’outsider. Pas certain que cela ne les perturbe outre mesure.