Parce que tout le monde ne peut pas être en Russie, Etienne Labrunie décrypte le Mondial vu à la télé.

Chronique. A TF1 on a gagné mais on tire un peu la tronche. Il faut dire que leurs Bleus viennent de foirer le premier rencard. Tout le monde tombe un peu de haut. Flûte, la journée promettait un max. On allait enfin pouvoir consommer le mariage. En exclu interplanétaire et devant le plus de gens possible. A 3,5 millions d’euros le match, fallait rendre tout ça sexy. Début aussi de l’opération amortissement car pour avoir les yeux chez les Bleus, la chaîne a déboursé au total 140 millions d’euros (sur 4 ans). Alors entre les pubs (145 000 euros les 30 secondes pour le 1er tour), de la montée dans l’avion à la descente du bus, vous ne louperez rien, c’est promis. Et merci au supermarché Banco, à la berline même pas française qui soutient l’équipe de France ou à l’entreprise de pari plus habituée à miser sur d’autres sortes de trotteurs. Allez « En route pour la Russie » (leur slogan), oui, on sent que le service « créa » a bossé dur.

10 H 50 AM

Du coup, TF1 en fait un peu des caisses. « Dispositif exceptionnel pour une journée exceptionnelle », s’enthousiasme Anne-Claire Coudray en ouvrant les festivités avec un mag sobrement intitulé « Tous en Bleu ». Et pourquoi pas ? Le ton est donné. On « prébrief » avec notamment Dany Cohn Bendit « supporter expert » et un « invité surprise », alpague la présentatrice du JT. Il apparaît dix minutes plus tard : « Ce qui compte, c’est l’esprit d’équipe ! », lance l’ex-président François Hollande (pas Laurent Blanc). « Il s’agit de ne pas rater sa rentrée », rebondit en plateau Nathalie Iannetta, son ancienne conseillère sport (et ex-journaliste de Canal+), recrue de TF1 pour le Mondial.

On enchaîne ensuite sur le fameux « dispositif » de dingo. Des envoyés spéciaux partout : aux quatre coins du stade, aux abords, dans une brasserie de Moscou, un bar de Tourcoing, au camping du Cap d’Agde (mais pas le naturiste) et dans le complexe sportif Antoine Griezmann à Mâcon. A grand renfort de duplex devant des supporters convoqués pour pourrir un peu le direct, ça marche toujours. Des journalistes avec le maillot Bleu ou le drapeau peint sur la joue : « Alors Julien, vous y croyez ? »…On a déjà le tournis.

« La France est derrière les Bleus, on l’a compris », conclut Anne-Claire Coudray. Oui, bien compris. « Merci à tous, on va tout donner et on va ramener la Coupe au peuple français », répond Grizou dans une vidéo préenregistrée (décidément c’est la semaine). Tous les pronostics sont au beau fixe, reste plus qu’à s’installer dans le canapé. « Chauffez-vous la voix et mettez les écharpes », conclut Anne-Claire Coudray.

12H 00 AM

Place au terrain et au duo de commentateurs, Grégoire Margotton et Bixente Lizarazu. « On y est », s’enthousiasme le premier, « on va savoir », décrypte déjà le second. Les joueurs sont sur la pelouse. TF1 dans les startings. « Est-ce que ça portera chance aux Français mais le réalisateur et les cadreurs sont Français ? », glisse Margotton. La France est dans la place, on vous dit. Les footballeurs moins. Les Bleus sont « poussifs », en manque de « rythme » comme le confesse Deschamps à la mi-temps. « Rien n’est fait », dit Margotton « c’est un peu douloureux », analyse Liza.

Deuxième mi-temps : celle de la technologie au secours des Bleus : un discutable arbitrage vidéo (un coup des cadreurs français ?) et la goal line techonology… sans oublier les questions SMS, « avec 100 000 euros à gagner pour chacun des matchs de l’équipe de France. » On reste sur notre faim. La fête est molle. Le duo au micro dans son rôle se réjouit mais pas trop. « Il y a des matchs qu’il faut savoir gagner en étant moche », conclut Lizarazu.

1H45 PM

La mariée était trop belle. Denis Brogniart tente d’ambiancer le tout en lançant son « mag de la Coupe du monde ». « Ce fut difficile mais les Bleus ont assuré l’essentiel, la victoire. ». Sur le bord du terrain, Fred Calenge console tant qu’il peut les copains. A Deschamps : « Je vous imagine soulagé ? » Oui mais non, lui répond le sélectionneur (qui insiste sur le manque de « rythme »). « Finalement n’est-ce un mal pour un bien ? », insiste le journaliste.

En plateau, la parole est à l’expertise et aux trois consultants de garde. D’abord coach Pascal Dupraz, adjudant-chef en réserve depuis son limogeage de Toulouse « Je m’attendais a plus d’enthousiasme de la part de cette équipe. ». A ses côtés Ludovic Giuly, consultant déconneur : « Décevant, on peut dire que c’est un non-match de l’équipe de France. » On peut ? Youri Djorkaeff, dans son propre rôle, tempère : « Un match qu’ils se sont rendus compliqué ». Rien du côté du camping du Cap d’Agde ou du bar de Tourcoing. Triste apéro.

Par contre Nicolas Sarkozy (égalisation du temps de parole) est dans le coin : « Les victoires, c’est ce qu’il y a de plus important… », analyse l’abonné - en présidentielle - du Parc des Princes. Puis Deschamps repasse pour répondre en plateau (exclu). « Je ne vais pas non plus faire de l’Australie un cador européen ». Bonne idée et géographiquement c’est cohérent. Une heure est passée, Brogniard éteint la lumière et lâche comme un cri du cœur ultra corporate : « La France a gagné, tant mieux ! ». TF1 reste en course.