Moscou avait des airs de Mexico dimanche. / CARL RECINE / REUTERS

C’est à demander si l’on n’a pas transposé le stade Aztèque à Moscou. L’immense et très soviétique stade Loujniki avait des airs de Mexico dimanche en fin d’après-midi. Probable que l’ancien stade olympique n’a jamais connu pareil vrombissement assourdissant. La victoire inattendue (1-0) des Mexicains face aux champions du monde allemands a fait rugir de plaisir ses nombreux fans. En tribune de presse, Jorge Campos, l’ex-gardien fantasque connu pour ses tenues bariolées, reconverti en commentateur pour TV Azteca, n’en finissait plus d’exulter.

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Avant la rencontre, toute la panoplie y est passée : des faux soldats de Pancho Villa, aux fausses moustaches et fausses cartouches en bandoulières, des joueurs de mariachis en costume, aux nuées de sombreros, aux catcheurs de lucha libre, aux señoritas aux robes flamboyantes, certaines barbues… Les supporteurs allemands regroupés dans un virage ne luttent pas à armes égales, munis de leur seul drapeau.

Une fausse armée mexicaine aux abords du stade Loujniki. / A.H

Sur la pelouse, El-Tri (la tricolore) en a aussi fait voir de toutes les couleurs à la Nationalmannchschaft. En première mi-temps, les Mexicains donnent une leçon de contre et profitent d’espaces dignes d’une authoban. Leur seule maladresse dans le dernier geste les empêche de punir des Allemands pas loin d’être hors sujet. Le jeune Hirving Lozano, 22 ans, récompense les siens après un nouveau mouvement éclair (35e minute).

« Il n’y a aucune raison de s’effondrer »

En deuxième mi-temps, l’Allemagne pousse mais se montre nerveuse, à l’image de Mats Hummels et Thomas Müller, avertis pour des fautes grossières. Rien n’y fait. Pas même le coaching de Joachim Löw : idéalement placé, Mario Gomez manque son timing et Julian Brandt, manque lui pour quelques centimètres de nettoyer la lucarne mexicaine.

En conférence de presse, l’heure n’est pas à l’affolement pour le sélectionneur allemand qui en a vu d’autres [il est en poste depuis 2006] : « Tous les joueurs sont abattus et déçus évidemment, mais notre équipe a suffisamment d’expérience pour surmonter cette défaite. Le prochain match (contre la Suède le 23 juin) devient encore plus important, il faut le gagner. Il n’y a aucune raison de s’effondrer, il y a deux autres matches et nous avons le temps de corriger ce qui doit l’être. »

Au cours du même exercice imposé, le sélectionneur colombien du Mexique, Juan Carlos Osorio, a beau jeu de dérouler sa stratégie : « Nous avions un plan. Cela fait six mois qu’on y travaille. En première période nous avons été bien en place derrière et nous avons contre-attaqué très rapidement. Avec tout le respect que je dois à la grande équipe d’Allemagne, en première période nous étions supérieurs. »

Virevoltants mais redoutablement organisés, les joueurs centre américains ont affiché un état d’esprit irréprochable. Il fallait voir à la pause les remplaçants en chasuble violette venir encourager les onze titulaires, taper dans leurs mains. Une attitude qui a surpris jusqu’à la presse mexicaine, tant le contexte était sulfureux autour de la sélection. Juste avant le Mondial, plusieurs joueurs ont été pris dans une paparazzade dont le pays a le secret : en cause, une orgie sexuelle de vingt-quatre heures avec des prostituées, organisée sur leur temps libre.

« Cela appartient à la vie privée. C’est du sensationnalisme. Si un paparazzi me suit ou vous suit, que va-t-il trouver ? Ce qui compte c’est le comportement sur le terrain. Et ce soir on a vu. c’est un jour historique pour le Mexique, confie le journaliste de La Aficion, Adolfo Diaz, surtout épaté par le comportement des joueurs, Ce sens du collectif exacerbé, c’est la réelle surprise. Tout le monde pensait que l’équipe était divisée. Or, on a vu une solidarité incroyable à coups de vribants vamos ! vamos ! »

Contraste saisissant entre les joueurs

Qu’en pensent les héros du jour ? Ils se sont fait longtemps désirer. Près d’une heure et demie après leur succès, les deux joueurs les plus expérimentés, le gardien Memo Ochoa et Rafael Marquez, ouvrent la marche, comme pour mieux éviter toute euphorie. Le vétéran Marquez, entré en jeu en fin de match, dispute sa cinquième Coupe du monde. Un record qui le place sur la même ligne que son compatriote Antonio Carbajal, que le gardien italien Gianluigi Buffon et que l’Allemand Lothar Matthäus.

Hirving Lozano, buteur, est le héros du jour. / CHRISTIAN HARTMANN / REUTERS

Costume tiré à quatre épingles, mine sereine, presque impassible, l’ancien Monégasque s’arrête dix fois, jonglant de l’espagnol, à l’anglais et au français : « On était confiant sur notre faculté à faire un bon match. Je pense que l’on a une grande équipe. Malgré le scandale, l’équipe est restée soudée. » Jamais cité parmi les favoris, rarement parmi les outsiders, l’équipe mexicaine, sous-estimée, a-t-elle confiance en elle ? « Les deux sont vrais. On fait un grand effort mental pour changer notre mentalité », conclut tranquillement Marquez.

Le contraste est saisissant avec leurs adversaires du jour. Les joueurs allemands, qui n’ont pas quitté le banc, échappent à la corvée de la zone mixte. L’œil noir des mauvais jours, l’entraîneur des gardiens, Andreas Köpke, passe sans s’arrêter. Les autres ne se défilent pas, certains réservent leur parole pour leur presse nationale, à l’image du Parisien Julian Draxler qui exprime son refus en français dans le texte : « Aujourd’hui, je ne parle pas. »

Tournons-nous vers l’attaquant Timo Werner, pourtant loin d’avoir été en réussite, mais qui se prête de bonne grâce aux questions de la presse internationale sur la possibilité d’affronter le Brésil dès les 8es de finale en cas de deuxième place. « Cette défaite augmente le risque de les jouer dès le tour prochain mais en Coupe du monde, mais on doit jouer les meilleures équipes. On a une bonne équipe. Nous n’avons pas de pression supplémentaire pour les deux derniers matchs », relativise le jeune homme au cheveu sur la langue.

Malgré cette victoire, la cote d’un sacre du Mexique le 15 juillet prochain est toujours largement inférieure à celle de l’Allemagne. « Si nous devenons favoris du Mondial ? Haha, nous avons fait un grand match, c’était le premier match. La Suède sera aussi un adversaire très difficile pour nous », confirme Juan Carlos Osorio.