A la SPA de Lyon le 17 juin. / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Jacques-Charles Fombonne, une figure de la gendarmerie, vient d’accepter une mission hors norme : contribuer à sortir la Société protectrice des animaux (SPA) de la profonde crise dans laquelle elle est plongée. Mi-juin, ce colonel qui commande le Centre national de formation de la police judiciaire a discrètement fait son entrée au conseil d’administration de l’association, à l’instigation de sa présidente, Natacha Harry. Trois jours plus tard, celle-ci annonçait sa démission surprise « pour protéger la SPA » de la « campagne insensée » dont elle s’estime la cible.

Résultat : Jacques-Charles Fombonne a beau ne pas connaître la protection des animaux, et ne pas avoir été élu par les adhérents mais simplement coopté par les autres administrateurs, son profil fait à présent de lui un candidat très sérieux pour remplacer Natacha Harry à l’issue du prochain conseil prévu le 16 juillet.

« Son brillant parcours en tant que colonel de gendarmerie, avocat et ancien magistrat est un apport précieux », affirme la présidente démissionnaire dans un message interne, en soulignant « son besoin d’être utile à la collectivité » et « son attachement à la protection du vivant au sens large ». Ses compétences juridiques ne pourront qu’être profitables, alors que la SPA fait face à une impressionnante série de procès et d’enquêtes, notamment de la part de l’Agence française anticorruption. Il a en outre l’habitude de diriger des équipes, et d’intervenir dans les médias.

Canard sans tête

« C’est quelqu’un de bien, mais qui ne connaît pas la SPA, nuance un membre du conseil. S’il est élu, il aura besoin de s’appuyer sur des gens de confiance. » Bombarder à la présidence un gendarme non élu « serait une manipulation de plus », critique pour sa part un opposant.

Une certitude : la SPA a besoin de retrouver une direction. Aujourd’hui, la maison donne l’image d’un canard sans tête qui continue à avancer, sans trop savoir vers quoi. Depuis des mois, l’association fonctionnait déjà sans directeur général, ni directeur financier ni directrice juridique, tous trois ayant été licenciés pour faute par la présidente et son conseil. Le numéro deux de la SPA, un bénévole hostile à cette purge, avait démissionné dans la foulée.

Avec le prochain départ de Natacha Harry, la SPA, une structure qui compte 650 salariés et 4 000 bénévoles, se retrouve décapitée. Natacha Harry se veut rassurante : un directeur général ainsi qu’un directeur administratif et financier vont être choisis en interne, et un directeur juridique est en cours de recrutement. Avec le futur président, « les équipes travailleront dans la continuité de ce qui est engagé », affirme-t-elle dans une interview au Journal du dimanche.

Une transition en douceur dont certains doutent. « Cette démission est une catastrophe, elle place la SPA dans une situation totalement imprévue », regrette Brigitte Piquet-Pellorce, une administratrice pourtant assez réservée à l’égard de Natacha Harry. « L’hypothèse qu’il faille nommer un administrateur judiciaire ne paraît hélas pas exclue », ajoute-t-elle. L’association avait déjà été placée sous administration judiciaire de novembre 2009 à juin 2013, à une époque où elle perdait beaucoup d’argent.

Guerre fratricide

« La meilleure solution serait que le conseil démissionne en bloc, pour provoquer de nouvelles élections sans attendre l’échéance prévue en 2019 », plaide l’ancien secrétaire général, Eric Gaftarnik. A ses yeux, « il est indispensable de rendre la parole aux adhérents ». Certains opposants, comme l’éducateur canin Alain Lambert, réfléchissent déjà à la constitution d’une liste de candidats.

Le débat qui débute s’annonce large. Il portera évidemment sur le mode de fonctionnement de la SPA. Natacha Harry a été très contestée pour son supposé autoritarisme, et la façon dont elle a écarté plusieurs personnalités. Le licenciement de la directrice du refuge d’Hermeray (Yvelines), accusée d’avoir euthanasié des chiens sans justification, a ainsi donné lieu à une pétition hostile à Natacha Harry qui a recueilli 19 500 signatures, presque autant que le nombre d’adhérents de l’association.

Au-delà, le rôle même de la SPA est en jeu. « Je rêve d’une société qui ne protège pas seulement les chats, les chiens et les chevaux, mais tous les animaux, par exemple les abeilles et le bétail qui va à l’abattoir », avance ainsi Alain Lambert. Pour lui, le nouveau président devrait aussi stopper la guerre fratricide entre la SPA, présente dans 40 départements, et les associations similaires qui œuvrent dans le reste de la France.