Documentaire sur Arte à 22 h 25

La fiancée du pirate
Durée : 02:07

Il y a des morts qui sont vraiment moches. Celle de Bernadette Lafont, le 25 juillet 2013, d’une crise cardiaque, en fait partie. A 74 ans, elle avait l’air tellement en forme, cette brune piquante, cette « vamp » de la Nouvelle Vague devenue blond platine, avec sa gouaille parigote qui avait remplacé le léger accent du Sud qu’on entend dans ses premiers entretiens télévisés.

Moins « vedette » que Catherine Deneuve, moins « déconnectée » que Bulle Ogier, avec lesquelles elle formera de beaux duos de cinéma, Bernadette Lafont avait ce côté direct, proche, sympathique. Elle répondait d’ailleurs à toutes les lettres de spectateurs qu’elle recevait, dévalisant le stock de timbres du bureau de poste local.

La documentariste Esther Hoffenberg trace un portrait de l’actrice en forme de « Lettre à… ». Le même procédé qu’avait employé David Teboul dans son beau portrait de Brigitte Bardot (Bardot, la méprise, 2013). « BB » qui fascinait Bernadette, encore adolescente, dont elle essaiera de « faire sa bouche », la transformant en une moue plus ironique et cinglante.

Dans des films d’auteur

Bernadette Lafont se rêvera une carrière hollywoodienne à la ­Leslie Caron dans Un Américain à Paris (1951), de Vincente Minnelli, mais devra se contenter du noir et blanc, qu’elle trouve pauvre et « amateur », dans ses deux premiers films, Les Mistons, de François Truffaut, et Le Beau Serge, de Claude Chabrol, tous deux sortis en 1958.

Le noir et blanc l’accompagnera tard, chez Jean Eustache, dont elle tourne La Maman et la Putain (1973). Elle prend des ­risques, ne cherche pas l’argent facile et joue dans des films d’auteur. Son avant-dernier long-­métrage, Paulette (2012), de Jérôme Enrico, la montrera en mémé dealeuse de drogue.

Paulette - Bande-annonce
Durée : 01:38

Car celle qui trouvait à ses débuts qu’elle ressemblait « à une pomme de terre » s’amusait à s’enlaidir et se vieillir : « Jeune, j’étais fascinée par les marques de la vie et je voulais être comme ça ! Avec mon père, on adorait les ruines ­archéologiques ! »

Ce film est riche, tendre, informatif, pudique et juste. Et nous fait regretter la pétillante présence de cette belle fille et grande comédienne partie trop tôt. Car, on en est certain, d’autres rôles de vieille dame indigne l’attendaient.

Bernadette Lafont : et Dieu créa la femme libre, d’Esther Hoffenberg (Fr., 2016, 65 min).