Après treize ans au pouvoir, Angela Merkel aborde la fin du mois de juin le dos au mur. Lundi, le ministre de l’intérieur, Horst Seehofer, représentant l’aile droite de sa coalition gouvernementale, a donné à la chancelière deux semaines, c’est-à-dire jusqu’au sommet des 28 et 29 juin à Bruxelles pour réduire le flux de migrants au niveau européen, faute de quoi il ordonnera au début de juillet de « refouler immédiatement » les demandeurs d’asile arrivant aux frontières allemandes en provenance d’un autre pays européen.

Lundi, Donald Trump s’est immiscé dans la crise, n’hésitant pas à prendre parti contre la chancelière allemande dans la crise politique qui menace de fracturer sa coalition entre son parti, les chrétiens-démocrates de la CDU, et les Bavarois de l’Union chrétienne sociale (CSU).

Et pourtant la chancelière a tenu bon. « Lundi n’était pas le jour où la coalition s’est effondrée », relève Bild mardi 19 juin, qui ajoute que « le désaccord entre Angela Merkel et Horst Seehofer reste d’actualité » même si les membres de la coalition laissent Mme « Merkel négocier des solutions européennes pour le sort des réfugiés ».

La marge de manœuvre de la chancelière reste étroite : pressée par la CSU, « Angela Merkel, place ses espoirs dans un accord européen lors du sommet des 28 et 29 juin à Bruxelles pour éviter une crise ouverte avec ses alliés bavarois », écrit le Süddeustche Zeitung.

Pour Focus, la situation de la chancelière est compliquée : « Après avoir longtemps été le personnage politique le plus important en Europe, faisant preuve d’inflexibilité pendant la crise grecque, la voilà dos au mur [avec la CSU] et nombreux sont les pays qui pourraient avoir la tentation de se venger ou du moins de ne pas l’aider », dans la crise qu’elle affronte.

Crise de l’union

Dans cette crise, la chancelière applique sa stratégie favorite face à l’agitation estime Der Spiegel : « Elle ralentit le tempo, suit le calendrier et ne se pliera pas à la pression de la CSU ». Le Spiegel rappelle que lundi, la secrétaire générale de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, a publié une page complète sur les racines européennes du parti dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung, invoquant Helmut Kohl et sa politique européenne. Merkel s’inscrit dans cette filiation, ce travail d’unification européenne.

Face aux pressions de son ministre de l’intérieur, Angela Merkel a promis de tout faire pour trouver d’ici là des accords bilatéraux et européens sur la question, mais elle a rejeté l’ultimatum, assurant qu’il n’y aurait aucune fermeture « automatique » aux demandeurs d’asile en cas d’échec de ses efforts. Le magazine Focus, voit dans cette crise un état des lieux de la relation entre la CDU d’Angela Merkel et la CSU de Horst Seehofer : « Le “U” ne signifie plus Union, il signifie désaccord [Unstimmigkeit], discorde [Unfrieden] et incompétence [Unfähigkeit]. »

Horst Seehofer a dit espérer que Merkel parviendrait à un accord avec ses partenaires lors du sommet européen. Si ce n’est pas le cas, « nous devrons être en mesure de refouler » les migrants aux frontières dès le mois de juillet, a-t-il déclaré, lundi, à Münich. Le Süddeustche Zeiting estime qu’en menaçant de refouler les migrants, le ministre de l’intérieur empiéterait sur les pouvoirs de la chancelière. « Pour ne pas perdre son autorité », elle devrait le renvoyer, d’autant que « M. Seehofer a admis qu’il y avait d’autres sujets de dissensions avec la chancelière », poursuit le quotidien.

Pression sur le front du SPD

Mais la chancelière n’a pas seulement à se garder de sa droite. Le Rheinische Post souligne qu’Andrea Nahles, la présidente du SPD, le Parti social-démocrate allemand, s’est rappelée au bon souvenir de la chancelière, soulignant que « le soutien de son parti à un compromis sur les migrants conclu entre CDU et CSU n’avait rien d’automatique. Elle a ajouté que les trois partis de la coalition gouvernementale devaient discuter du plan de la CSU avant le Conseil européen dans le cadre d’un comité de coalition ».

Dans le Berliner Morgen Post, Katrin Göring-Eckardt, la coprésidente du groupe Alliance 90/Les Verts au Bundestag ajoute sa pierre à l’édifice et met en avant la « solution européenne », tout en mettant en garde contre « une perte de vue de l’aspect humanitaire de la situation des réfugiés. Si nous pouvons résoudre ce problème à l’échelle européenne, ce serait une bonne chose, mais pas au prix d’un isolement accru et de moins d’humanité. Ça finirait par nous retomber dessus. »