Le capitaine de l’équipe du Mexique, Rafael Marquez (à gauche), aux côtés du président mexicain, Enrique Pena Nieto, lors de la présentation de l’équipe pour la Coupe du monde, le 31 mai 2018. / Rebecca Blackwell / AP

A l’entraînement, Rafael Marquez ne porte pas le même maillot que ses compatriotes. Il ne boit pas non plus dans les mêmes bouteilles d’eau estampillées aux couleurs d’une célèbre marque américaine de soda. Pendant les rencontres avec la presse, son interprète peut parler anglais, mais il ne peut pas être de nationalité américaine.

Ce traitement particulier réservé au joueur, membre de la sélection mexicaine pour le Mondial en Russie, n’a rien à voir avec son niveau de jeu. Très respecté dans son pays, le « kaiser du Michoacan » — du nom de son Etat d’origine — a remporté la Ligue des champions en 2006 et cumule vingt années de sélection nationale. Mais depuis le mois d’août 2017, Rafael Marquez figure sur la liste noire du département du Trésor américain, pour ses liens présumés avec le narcotrafiquant Raúl Flores. Sa fortune et neuf de ses entreprises font partie des vingt-deux ressortissants mexicains et quarante-deux structures visées par Washington pour avoir soutenu ou été sous le contrôle du trafiquant de drogue et de son réseau.

Une situation qui a poussé la FIFA à interdire tout contact entre le défenseur mexicain et des entreprises sies aux Etats-Unis. Or celles-ci sont nombreuses à s’afficher dans tous les recoins des stades russes : la marque de bières Budweiser sponsorise par exemple le prix du meilleur joueur de chaque rencontre — qui ne sera donc pas remis à Marquez en Russie. Le joueur ne devrait pas non plus être interrogé par les journalistes sur le terrain, à la fin du temps réglementaire : plusieurs marques américaines figurent sur les panneaux positionnés derrière les journalistes.

« Le match le plus difficile de ma vie »

En participant au Mondial russe, Rafael Marquez a rejoint le club très fermé des joueurs ayant participé à cinq Coupes du monde dans leur carrière : ils ne sont que quatre, avec son compatriote Antonio Carbajal, l’Italien Gianluigi Buffon et l’Allemand Lothar Matthäus. Il y a encore quelques mois, cette participation était pourtant encore loin d’être acquise. Etre sélectionné pour le Mondial est « le match le plus difficile de ma vie », avait-il reconnu lors d’une conférence de presse, en août 2017, juste après son placement sur la liste noire du Trésor américain.

Conséquences de la décision américaine, ses comptes en banque américains sont gelés et toute relation commerciale avec une entité américaine lui est interdite, ce qui paralyse aussi certaines de ses activités au Mexique. Les marques Nike et Gillette, qui sponsorisaient le joueur à titre personnel, rompent leur contrat. Si aucune poursuite n’est officiellement engagée, l’accusation fait tache sur le CV du joueur, revenu jouer pour une dernière saison en club avec l’Atlas, l’équipe mexicaine de Guadalajara, où il a commencé sa carrière, en 1996.

Après de longues négociations entre les avocats du club et la fédération mexicaine de football, Rafael Marquez a finalement été intégré à la sélection nationale moins de dix jours avant le début de la compétition, après en avoir été écarté pendant plusieurs mois. Présent lors de la présentation de l’équipe, il était placé juste à côté du président Peña Nieto, l’un de ses soutiens.

Eviter les compagnies aériennes américaines

Dimanche, Rafael Marquez a foulé la pelouse du stade Loujniki, à Moscou, à la soixante-quatorzième minute du premier match de la « Tri » (surnom de la sélection mexicaine) face aux Allemands, champions du monde en titre. Le Mexique est alors en train de réaliser le premier exploit de la Coupe du monde en Russie en battant l’Allemagne 1 à 0, mais l’arrivée sur le terrain de l’ancien joueur de l’AS Monaco et du FC Barcelone a autant attiré l’attention que la performance de tous ses coéquipiers réunis.

Pendant la préparation de la Tri, le défenseur n’a pas pu participer à la rencontre face au Pays de Galles, organisée en Californie. Pour se rendre à Moscou, la fédération mexicaine a également dû éviter toute compagnie aérienne américaine.

Lors des matchs officiels du Mondial, Rafael Marquez peut tout de même porter le même maillot que ses coéquipiers : si chaque infraction aux sanctions peut coûter plusieurs millions d’euros aux entreprises concernées, selon le New York Times, les règles sont différentes pour les marques basées en dehors des Etats-Unis. Les Allemands de Puma (pour ses chaussures) et Adidas (pour le maillot de l’équipe mexicaine) vont donc pouvoir communiquer sur les performances de Marquez tout au long de la Coupe du monde.