Emmanuel Macron a élevé, lundi 18 juin, Daniel Cordier, ancien résistant et secrétaire de Jean Moulin, au grade de grand-croix de la Légion d’honneur. / CHARLES PLATIAU / AFP

Une pluie fine, presque invisible, s’est mise à tomber. Les portes-fenêtres du salon des ambassadeurs, qui donnent sur le parc de l’Elysée, sont restées fermées. Trois jours avant l’été, Emmanuel Macron élevait, lundi 18 juin, Daniel Cordier, ancien résistant et secrétaire de Jean Moulin, au grade de grand-croix de la Légion d’honneur. « Se trouver face à vous, c’est se trouver face à l’histoire », commence-t-il devant l’homme de 97 ans, qui l’avait soutenu pendant sa campagne présidentielle de 2017.

Vêtu d’un costume de flanelle grise assorti d’une cravate fleurie et de chaussettes framboise, l’un des derniers compagnons de la Libération écoute le président en souriant discrètement. « Ce que votre place dans l’histoire pourrait avoir d’intimidant est comme éclipsé par une jeunesse (…), un charme intact », poursuit M. Macron devant une assemblée choisie, où se mêlent le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, l’éditeur Antoine Gallimard, le journaliste Jean-Pierre Elkabbach, l’écrivain Régis Debray ou la sociologue Dominique Schnapper.

Pied de nez

« L’histoire devait montrer que des enfants pouvaient être des héros », complète le président, soudain interrompu par le téléphone du récipiendaire. Comme un pied de nez enfantin, précisément. « C’est le seul qui a le droit… », grince M. Macron, avant de recommander à l’intéressé de couper son appareil.

Avant de s’éclipser, le chef de l’Etat confie avoir toujours été habité par la seconde guerre mondiale. « J’ai grandi de manière anachronique », justifie-t-il, avant de filer au Mont-Valérien (Hauts-de-Seine), où il doit commémorer l’appel du 18 juin. A l’issue de la cérémonie, un bain de foule. Derrière des barrières, un collégien entonne L’Internationale puis lance, bravache : « Ça va Manu ? » « Tu m’appelles Monsieur le président, ou Monsieur », bondit Macron, qui fait la leçon à l’impertinent. « Tu es là dans une cérémonie officielle, tu te comportes comme il faut. (…) Aujourd’hui, c’est La Marseillaise et Le Chant des partisans ! »

Galvanisé, le chef de l’Etat insiste : « Le jour où tu veux faire la révolution, tu apprends d’abord à avoir un diplôme (…), d’accord ? Et à ce moment-là tu iras donner des leçons aux autres. » Emmanuel Macron recommande ensuite au collégien, moue dubitative, d’avoir son brevet avec mention. Et d’ajouter : « Il faut aller le plus loin possible, être un exemple. Ceux que tu es venu honorer aujourd’hui, ils ne se sont pas juste contentés d’avoir la barre [la moyenne]. Il faut se dire : vers quel idéal je dois aller ? »

« Une journée sous le signe de la transmission », résume le porte-parole de l’Elysée, Bruno Roger-Petit, qui voit un lien entre la décoration du résistant et le recadrage du jeune collégien, « le respect dû aux héros ». « Une illustration du premier de Cordier », ironise un familier du pouvoir, en détournant la théorie macronienne du « premier de cordée ». En attendant, c’est lui, le président, qui fut le « héros » des deux vidéos postées par l’Elysée sur les réseaux sociaux à l’issue de chaque rencontre et qui ont fait le buzz toute la journée. « Notre société à besoin de récits collectifs, de rêves, d’héroïsme », théorisait M. Macron dans Le Point en août 2017.