« L’islam est une menace pour l’Occident », « il y a trop d’immigrés en France », « les chômeurs peuvent trouver du travail s’ils le veulent vraiment »… Telles sont les affirmations, sur lesquelles les adhérents de La République en marche (LRM) sont invités à se positionner avec six réponses graduelles (allant de « tout à fait en désaccord » à « tout à fait d’accord ») dans le cadre d’un questionnaire en ligne, réalisé par le think tank Terra Nova pour le parti présidentiel. La tonalité de cette étude sociologique, lancée le 8 juin auprès de quelque 30 000 militants de LRM et visant à améliorer la connaissance du mouvement, suscite la polémique.

Après quelques questions en introduction sur la nature de l’engagement des « marcheurs », une série de phrases sur lesquelles chacun doit se positionner focalise les critiques. Sur les 14 affirmations en question, figurent les trois précédemment citées, ainsi que : « On ne se sent pas chez soi comme avant », « il faut préserver les traditions », « les enfants d’immigrés nés en France sont des Français comme les autres ». Ou encore : « La France doit avoir à sa tête un homme fort qui n’a pas à se préoccuper du parlement ni des élections. »

Rapidement qualifié sur Twitter de « nauséabond » – voire « raciste » –, avec « des questions orientées », ce sondage en ligne, hébergé sur le site du mouvement macroniste et intitulé « La République en marche, anatomie d’un mouvement », a été dénoncé par plusieurs figures de l’opposition, mardi 19 juin. Le sénateur socialiste Rachid Temal a ainsi fustigé « un questionnaire digne de l’extrême-droite ». Dans la même veine, sa collègue, Marie-Noëlle Lienemann a accusé le parti présidentiel d’être « en marche vers les thèses de l’extrême droite ».

« C’est du classique »

Interrogé par Le Monde, la direction de LRM assume d’avoir « accueilli positivement la demande de Terra Nova de faire une étude sociologique », en disant « accepter tous les outils et les instruments » qui permettent de mieux connaître « le regard et les avis de nos adhérents ». Mais elle assure ne pas être à l’origine de la conception du questionnaire et encore moins de sa formulation. « Les questions sur les préférences et opinions politiques ont été rédigées uniquement par les chercheurs de Terra Nova », affirme l’entourage du patron du parti, Christophe Castaner, au Monde, en précisant que « l’étude est entièrement réalisée et financée » par le think tank. Et qu’elle « donnera lieu à une publication scientifique de Terra Nova, probablement à l’automne 2018 ».

Une version confirmée par le directeur général de Terra Nova, Thierry Pech. « Nous avons mis en place un questionnaire pour réaliser cette étude de sociologie politique des adhérents de La République en marche, et nous avons nous-même décidé des questions », explique-t-il, en se disant surpris par la « polémique ». « Les questions mises en cause sont très habituelles dans ce genre d’enquête. C’est du classique », affirme M. Pech, en citant un sondage du Cevipof (le centre de recherches politiques de Sciences Po, dont Le Monde est partenaire), en juin 2017, dans lequel on retrouve le même type d’affirmations. Sauf que l’étude en question était réalisée auprès de l’ensemble des Français – et non des seuls militants macronistes – et pas hébergé sur le site du parti présidentiel.

Reste que le sujet suscite l’embarras au sein même de LRM. « Je ne comprends pas qui a validé ce truc… », souffle un dirigeant du mouvement, en imaginant que « Castaner n’a pas relu les questions ». Un député regrette pour sa part « une erreur donnant une mauvaise image. »