Un visiteur inattendu fait parler de lui à Hyde Park, au centre de Londres, depuis son arrivée, le 18 juin. Au milieu du Serpentine, le lac intérieur qui sépare Hyde Park et Kensington Gardens, un mastodonte flotte sur l’eau. Un gigantesque radeau composé de 7 506 barils formant un trapèze de plus de 20 mètres de haut, 40 de large et 30 de profondeur. Constituée de barils métalliques de couleur rouge, bleu et mauve, l’œuvre ne passe pas inaperçue. Baptisé Mastaba, en référence aux tombeaux funéraires antiques que l’on trouve en Egypte, le colosse a été réalisé par l’artiste plasticien Christo, Américain d’origine bulgare .

« Qu’elle soit critique ou positive, toute interprétation est légitime », a déclaré l’artiste, âgé de 83 ans, lors de la présentation de l’œuvre comme le rapporte l’AFP. « Marchez autour, regardez-la, je ne peux rien dire d’autre », a-t-il ajouté.

Il s’agit du premier projet d’envergure réalisé par l’artiste au Royaume-Uni. Pour autant, celui qui a travaillé en binôme avec Jeanne-Claude, sa femme jusqu’à sa mort en 2009, n’en est pas à son premier coup d’éclat. En 1985, ils avaient emballé le plus vieux pont de Paris, le Pont Neuf, d’une toile changeant de couleur en fonction de la luminosité. Dix plus tard, ils avaient fait de même avec le Reichstag à Berlin. Le bâtiment accueillant le parlement allemand avait été empaqueté pendant deux semaines, attirant plus de deux millions de curieux. Plus récemment, en 2016, il avait réalisé une jetée flottante sur le lac italien d’Iseo, près de Milan. Près d’un million de personnes avaient foulé ce pont artificiel reliant deux îles du lac italien avant qu’il ne soit démonté.

Un projet six fois plus grand

L’œuvre londonienne devrait déranger la tranquillité des cygnes d’Hyde Park jusqu’au 23 septembre. Elle accompagne l’exposition « Christo et Jeanne-Claude, barils et le “mastaba”, 1958-2018 » à la Galerie Serpentine, musée d’art contemporain londonien, qui revient sur la place majeure des barils dans les créations du couple. Ils en avaient notamment utilisé en 1962 pour barrer la rue Visconti à Paris en réponse à la construction du mur de Berlin. Le musée, présidé par l’ancien maire de New York, Michael Bloomberg, réussit ici un coup double. L’œuvre devrait attirer de nombreux curieux pour l’exposition temporaire alors que l’institution n’a pas déboursé un penny pour financer le projet. Le coût de l’opération, plus de 3 millions d’euros, a entièrement été réglé par l’artiste.

Quelques-uns des 7 506 barils qui composent le « mastaba » flottant de Christo à Hyde Park, à Londres, le 19 juin 2018. / HENRY NICHOLLS/REUTERS

Adepte des œuvres monumentales, Christo voudrait constituer un « mastaba » six fois plus grand aux Emirats Arabes Unis. Le projet utiliserait plus de 400 000 tonneaux de couleur sable et culminerait à 146 mètres de haut, soit la hauteur de la pyramide de Khéops à son origine. Un projet mûri par le couple depuis 1977 et qui devrait bientôt voir le jour.

A la fin de l’exposition temporaire, la plate-forme de six cents tonnes sera entièrement démontée. Les 7 506 barils utilisés seront recyclés.

« Christo and Jeanne-Claude, Barrels and the Mastaba, 1958-2018 », Galerie Serpentine, Kensington Gardens, Londres, jusqu’au 9 septembre, entrée gratuite.

« The Mastaba » (project for London, Hyde Park, Serpentine Lake), Lac Serpentine, Hyde Park, Londres, jusqu’au 23 septembre, gratuit.