Le chef de l’Etat gambien, Adama Barrow, a « condamné », mardi 19 juin, les violences policières qui ont fait deux morts la veille parmi des manifestants qui protestaient contre une pollution industrielle, promettant que de tels événements n’auraient plus lieu.

Tôt lundi matin, deux jeunes hommes avaient été tués par la police dans la localité de Faraba Banta (ouest) lors d’une manifestation contre un site d’extraction de sable appartenant à la société locale Julakay Engineering and Construction Company, qui selon eux pollue les rizières de cette région bordant le fleuve Gambie.

Outre les deux jeunes hommes tués – Bakary Kujabi et Ismaila Bah –, six civils et seize policiers ont été blessés pendant ces incidents, a précisé la police gambienne dans un communiqué. « Les policiers qui ont tué mon fils doivent être poursuivis. Ils ont ouvert le feu indistinctement sur les manifestants », a déclaré à l’AFP Saidou Bah, le père d’Ismaila Bah. « Ils ont tué mon fils délibérément, cet acte horrible ne doit pas rester impuni », a ajouté le père du jeune homme de 17 ans.

Appels au calme

« C’est regrettable, inacceptable et cela ne doit jamais plus se produire », a déclaré sur Twitter M. Barrow, lundi matin, à l’issue d’une visite à l’hôpital Edward-Francis-Small de Banjul, assurant que l’Etat prendrait en charge les frais médicaux des blessés. « La justice prévaudra », a ajouté le chef de l’Etat, arrivé au pouvoir en janvier 2017.

Le compte Twitter de la présidence gambienne indique par ailleurs que M. Barrow « condamne » l’homicide, « contraire à tout ce pour quoi nous avons combattu en tant que nation ». Cinq officiers de police ont été suspendus et placés en détention pour les besoins de l’enquête, tandis que six manifestants ont été interpellés, selon la police, qui précise qu’un poste de police et quatre autres bâtiments, ainsi que deux engins à chenilles et cinq camions, ont été incendiés pendant les incidents.

Les autorités ont lancé des appels au calme, ordonné une enquête et suspendu jusqu’à nouvel ordre les activités minières dans la région de Faraba Banta. Dans un communiqué, Mohamed Ibn Chambas, représentant pour l’Afrique de l’Ouest du secrétaire général de l’ONU, a fait part de son « inquiétude après la mort de deux défenseurs de l’environnement », tout en saluant « la décision rapide des autorités gambiennes de faire procéder à une enquête approfondie ». M. Chambas a aussi appelé Banjul à « faire le maximum pour que des armes à feu ne soient pas utilisées par les forces de sécurité lors de manifestations civiles ».

Tourner la page

Un an et demi après le départ à l’étranger de son ancien dirigeant, Yahya Jammeh, battu par M. Barrow lors de l’élection présidentielle de décembre 2016 après vingt-deux ans au pouvoir, la Gambie, pays pauvre enclavé dans le Sénégal à l’exception d’une étroite façade côtière prisée des touristes, continue de tourner la page de la dictature. En février, elle a annoncé un moratoire sur la peine de mort et a réintégré le Commonwealth.

Des anciens responsables des services de renseignement sont actuellement jugés pour le meurtre d’un célèbre opposant, Solo Sandeng, tandis que des militaires soupçonnés d’être restés fidèles à l’ancien président et d’avoir préparé un coup d’Etat comparaissent devant une cour martiale.