© Takeuchi Ryôsuke / Miyoshi Hikaru

Rares sont les œuvres ayant suscité autant d’adaptations, de récits dérivés, de fanfictions que les aventures de Sherlock Holmes. En manga, les romans d’Arthur Conan Doyle ont notamment donné lieu dans les années 1990 à une adaptation relativement traditionnelle, et plus récemment à la transposition de la série télévisée britannique Sherlock, qui se déroule de nos jours.

Mercredi 20 juin, les éditions Kana sortent une nouvelle série se déroulant dans l’univers de Sherlock Holmes… mais avec un point de vue radicalement différent. Cette fois, ce n’est pas le célèbre détective privé qui anime les pages de ce manga, mais James Moriarty, son ennemi légendaire.

« Moriarty » / © TAKEUCHI RYÔSUKE/MIYOSHI HIKARU

Un contre-pied qui ne se limite pas à cela : le scénariste Ryosuke Takeuchi prend une liberté infinie avec l’œuvre originale, reléguée – au moins dans le premier tome – au rang de lointaine inspiration. Du Mortiarty de Conan Doyle il ne reste plus, dans ce premier volume, que son nom, son intelligence hors norme, son goût pour les mathématiques et, bien entendu, le crime.

C’est sur cette base que Ryosuke Takeuchi a tissé sa propre histoire. Elle débute à la fin du XIXe siècle à Durham, en Angleterre. Le jeune William James, orphelin, est recueilli avec son frère par une famille d’aristocrates, dont l’un des enfants abhorre son rang et les injustices de la société de classes. En grandissant, tous deux vont s’employer à éliminer ensemble les aristocrates les plus détestables, grâce, notamment, au cerveau génial de James Moriarty.

S’ébauche ainsi une « grande cause » derrière le crime, même si celui-ci n’en devient pas pour autant beaucoup plus noble. Dans ce récit, Moriarty prend plaisir à élaborer ses plans macabres et à voir succomber ses victimes, au point que la justice ne semble être qu’un prétexte.

« Moriarty » / © Takeuchi Ryôsuke / Miyoshi Hikaru

La suite le confirmera peut-être. Ce premier tome laisse, en effet, le lecteur sur sa faim. D’abord parce que Sherlock Holmes n’y apparaît pas encore, ensuite parce qu’on ne fait qu’effleurer la personnalité du criminel et qu’il est difficile, à cette seule lecture, de savoir si l’auteur compte l’approfondir, ni dans quelle direction. Pas d’indices distillés, de failles suggérées : Moriarty se contente d’être un criminel au service de l’égalité, charismatique et élégant – adieu la sinistre représentation de Sidney Paget (l’illustrateur original de Sherlock Holmes), place aux traits fins et séduisants du dessin de Hikaru Miyoshi (Psycho-Pass).

Le premier tome de Moriarty n’en demeure pas moins un manga prometteur dont on a hâte de découvrir la suite, prévue en septembre. Ne serait-ce que pour découvrir son interprétation de Sherlock Holmes, et la façon dont il en fera l’ennemi nº 1 de son héros. A moins qu’il ne décide, sur ce point aussi, de s’émanciper de l’œuvre originale.

« Moriarty » / © Takeuchi Ryôsuke / Miyoshi Hikaru

Moriarty, de Ryosuke Takeuchi et Hikaru Miyoshi, traduction de Patrick Honnoré, tome 1 sorti le 20 juin, éditions Kana, 210 pages, 6,85 euros.