Angela Merkel et Emmanuel Macron, entourant le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker, à Meseberg (Allemagne), le 19 juin. / Markus Schreiber / AP

Editorial du « Monde ». Par rapport aux ambitions initiales d’Emmanuel Macron, le résultat peut sembler modeste. Mardi 19 juin, à Meseberg, près de Berlin, le président français et la chancelière allemande ont annoncé leur intention de créer un budget de la zone euro. Celui-ci consisterait à renforcer la solidarité européenne en finançant de nouveaux investissements et en jouant un rôle de « stabilisation macroéconomique ». En cas de crise économique grave, un pays pourrait bénéficier d’un « fonds européen de stabilisation du chômage ».

En revanche, aucune allusion n’est faite au ministre de l’économie et des finances ni au Parlement de la zone euro réclamés par M. Macron à son arrivée à l’Elysée. Aucune indication, non plus, sur le montant du futur budget. Sur ce point, personne ne se fait d’illusions : on sera loin, très loin des centaines de milliards d’euros imaginés par le président français il y a quelques mois. Si la mise de départ est de 20 à 30 milliards d’euros, ce sera déjà bien, se dit-on aujourd’hui à Paris.

L’affaiblissement politique de Merkel

M. Macron souhaitait-il obtenir davantage ? Assurément. Le pouvait-il ? Sans doute pas. Pour une partie de la droite allemande, l’accord conclu à Meseberg va déjà beaucoup trop loin, le principe même d’un budget de la zone euro étant jugé inacceptable. Déjà vent debout contre la politique migratoire d’Angela Merkel, la CSU bavaroise a réclamé, mercredi, une réunion en urgence des trois partis membres de la « grande coalition » au pouvoir à Berlin (CDU, CSU, SPD), estimant que la chancelière avait outrepassé son mandat.

Fragilisée comme jamais depuis son arrivée au pouvoir, il y a treize ans, Mme Merkel sait que son autorité ne tient plus qu’à un fil. Au Bundestag, elle ne dispose que de neuf voix de majorité, et c’est au sein de son propre groupe qu’elle compte ses adversaires les plus résolus. Compte tenu de son extrême affaiblissement politique, elle ne pouvait sans doute pas faire davantage de concessions à son « cher ami » français, comme l’a baptisé une partie de la presse allemande depuis son élection, en jouant sur les deux sens de l’adjectif.

Difficulté supplémentaire

Que veut l’Allemagne ? Cette question, beaucoup se la posaient, à Paris, ces dernières semaines, s’impatientant de l’absence de « réponse » allemande aux propositions faites par M. Macron dans son discours de la Sorbonne, le 26 septembre 2017. Désormais, la question qui se pose est plutôt : que peut la chancelière ? A l’évidence, plus grand-chose. Raison de plus pour saluer l’accord trouvé au sommet franco-allemand.

On est certes loin de la « refondation du projet européen » voulue par le président français. On est aussi très loin du « nouvel élan pour l’Europe » qui donne son titre au « contrat de coalition » signé à Berlin en février. Difficulté supplémentaire : lors du Conseil européen de Bruxelles des 28 et 29 juin, il faudra convaincre les partenaires du couple franco-allemand. Les Pays-Bas risquent de trouver que le compromis de Meseberg va trop loin, tandis que les pays du Sud estimeront au contraire qu’il n’est pas assez ambitieux.

Mais face à ceux qui veulent disloquer l’Europe et la refermer derrière ses frontières, ce « petit pas », à la façon de ceux que recommandait Jean Monnet, est une lueur d’espoir. A onze mois des élections européennes, c’est, en tout cas, une initiative dont il faut se saisir pour rappeler que l’Europe peut être aussi source d’investissement, d’innovation et de solidarité. C’est la meilleure réponse aux vents mauvais des populismes.