Manifestation à Managua, au Nicaragua, le 17 juin. / ANDRES MARTINEZ CASARES / REUTERS

Après plusieurs jours d’incertitudes, les représentants de l’Union européenne, du Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme et de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) ont confirmé, mercredi 20 juin, qu’ils avaient été conviés à enquêter sur la situation nicaraguayenne. Cette annonce prélude à une nouvelle relance des négociations entre le gouvernement de Daniel Ortega et l’opposition, seule issue apparente à la crise qui frappe le pays depuis la mi-avril.

Le 18 juin, le dialogue avec l’opposition avait été interrompu en l’absence de garantie que Daniel Ortega avait bien invité les organisations des droits de l’homme à se rendre sur le terrain, comme l’avait conclu l’Eglise catholique. Très influente dans ce petit pays d’Amérique latine, la Conférence épiscopale tente depuis un mois de superviser une médiation entre le président et ses opposants.

Le pays le plus pauvre d’Amérique centrale est plongé dans une profonde crise politique depuis la répression brutale des autorités à l’encontre de manifestants opposés à un projet de réforme des retraites. Près de 25 morts ont été dénombrés en cinq jours de manifestations à la mi-avril. Le mouvement de contestation s’est propagé, malgré l’abandon rapide de la mesure. Les mots d’ordre se sont même élargis, exigeant la démission du président. Héros de la révolution sandiniste qui avait renversé la dictature de Somoza en 1979, puis dirigé le pays jusqu’en 1990, Daniel Ortega est aujourd’hui accusé d’avoir confisqué le pouvoir qu’il a récupéré en 2007.

Depuis des semaines, la CIDH dénonce un usage excessif de la force, ainsi qu’un recours à la torture. Le 7 mai, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a officiellement demandé l’autorisation de venir enquêter sur place. L’armée, elle, a pris ses distances avec le président en annonçant le 13 mai qu’elle refuserait à l’avenir de réprimer de nouvelles manifestations.

Offensive sur Masaya

Pressé de toutes parts, M. Ortega a finalement entamé le 16 mai un dialogue avec l’opposition. Les négociations se sont engagées sous la direction de la Conférence épiscopale du Nicaragua, mais ont depuis été maintes fois suspendues, faute d’accord sur la démocratisation du régime. L’Eglise avait établi comme condition préalable à la reprise des négociations que M. Ortega fasse cesser immédiatement la répression.

A Managua, le 26 mai. Sur la peinture représentant Daniel Ortega : « Assassin ». / Esteban Felix / AP

Dans la rue, les violences se sont poursuivies. A Managua, malgré la trêve, un incendie criminel, provoqué par des hommes du régime, a tué six membres d’une même famille, le 16 juin. Au moins trois personnes ont trouvé la mort dans une offensive lancée, trois jours plus tard, par les forces progouvernementales pour reprendre le contrôle de la ville de Masaya, symbole de la résistance, officiellement en rébellion depuis le 18 juin.

« Les Nicaraguayens sont totalement impuissants et nous lançons au monde un SOS pour le Nicaragua. Nous ne voulons plus de bains de sang », a déclaré le président de la Commission permanente des droits de l’homme du Nicaragua, Marcos Carmona. Edgar Taleno, qui vit à Masaya, appuie son témoignage auprès de l’Agence France-Presse : « Nous demandons à la communauté internationale de nous soutenir. Ici on ne peut plus vivre, ils sont en train de massacrer un peuple sans armes. » Le bilan s’élève à plus de 180 morts, après deux mois de contestation.