Kylian Mbappé, buteur contre le Pérou / ANDREW COULDRIDGE / REUTERS

Kylian Mbappé n’aime pas trop être ramené à son âge, que l’on fasse de sa précocité une qualité ou une excuse. Lui n’a pas l’impression de griller des étapes, de vivre en accéléré. Ce Mondial en Russie, le gamin de Bondy l’avait d’ailleurs coché dans son agenda. Et cela même quand il n’était pas encore majeur et tout juste la cinquième option en attaque de Leonardo Jardim, son entraîneur à Monaco, fin 2016. « Depuis l’époque monégasque, je me disais que c’était possible en fait. Se fixer des objectifs élevés, c’est ce qui me fait avancer », avouait-il avant la compétition dans un entretien à l’Equipe avec toujours une franchise déconcertante. Ce 21 juin à Ekaterinbourg, le jeune homme pressé n’a pas échappé à son âge. C’est bien lui qui vient de le propulser dans la petite histoire des Bleus. Face au Pérou, l’attaquant n’a pas seulement inscrit le seul but de la rencontre, il est aussi devenu à 19 ans six mois et un jour, le plus jeune buteur français dans une phase finale de Coupe du monde.

Le précédent détenteur du record s’appelait David Trezeguet. A 20 ans et 246 jours lors de la Coupe du monde 1998, l’avant-centre avait profité d’une faute de main du gardien saoudien en parfait buteur. Du but de Mbappé à la 34e minute, on dira poliment que son auteur a eu le mérite de suivre ce ballon d’Olivier Giroud qui aurait sans doute filé dans les filets péruviens sans sa complicité. Peu importe, un buteur vit aussi de ces situations où il n’a plus qu’à signer en bas à droite pour acquisition. Mais au moment de passer devant les journalistes en zone mixte, Mbappé avait laissé son sourire sur le terrain et donné plutôt dans le convenu pour revenir sur l’événement : « J’ai toujours dit que marquer en Coupe du monde était un rêve pour tout footballeur. Il se réalise, j’espère qu’il y en aura d’autres. »

Aussi facile et opportuniste soit-il, ce but tombait plutôt bien pour le joueur du PSG. Depuis sa prestation moyenne contre l’Australie, une petite musique se faisait entendre du côté d’Istra, camp de base des Bleus. Kylian Mbappé aurait une tendance à forcer ses actions et aurait l’effort défensif parcimonieux. Ajoutez à cela son lobbying, un peu trop voyant, pour pousser la candidature de son copain Ousmane Dembélé et vous obtenez un joueur mis sur le grill pour la première fois dans sa jeune carrière internationale.

La parole est à la défense

Alors pour cette première journée d’été, Kylian Mbappé a enfilé son bleu de chauffe à défaut de réaliser une prestation éblouissante. En avait-il vraiment le choix positionner dans un poste de milieu droit dans le 4-4-2 de Didier Deschamps ? « Ce n’est pas une position dans laquelle il est confortable. Aujourd’hui, il a été au service de l’équipe et ça, c’est super », a salué son capitaine, Hugo Lloris. L’entraîneur de l’Altético Madrid, Diego Simeone, a beau répéter que « l’effort n’est pas négociable », Mbappé, lui, en a souvent été dispensé par son talent et ses buts lors de ses années de formation. « Dans les équipes de jeunes, on a toujours fait les tâches défensives pour moi », confie-t-il toujours à l’Equipe.

Au PSG, son implication dans le replacement a alimenté les débats toute la saison. Cet effort ne lui est pas naturel. Ou pas encore. Et quand Mbappé a évoqué son travail de l’ombre du jour, le vocabulaire ne trompait pas. « Si l’équipe en a besoin, il faut savoir à un moment se sacrifier, a-t-il expliqué. Dans les périodes où on était moins haut sur le terrain, il fallait redescendre pour aider l’équipe. » Sauf que l’attaquant va peut-être devoir s’y habituer et répéter les sacrifices, Didier Deschamps pourrait bien reconduire ce système qui lui a donné des garanties ce jeudi à Ekaterinbourg.

De la capitale de l’Oural, Kylian Mbappé a ramené, lui, un record, une qualification pour les huitièmes de finales mais aussi le trophée d’homme du match. Et tant pis pour l’infatigable N’Golo Kanté. Le milieu de Chelsea a été éblouissant dans la récupération du ballon, son utilisation et la façon dont il a équilibré l’équipe. Attribué par une marque de bière, le trophée fait surtout mousser les buteurs depuis le début de la compétition. Même quand ils se trouvent à deux mètres de cages vides…