Le président Donal Trump lors d’un déjeuner de travail à la Maison Blanche, le 21 juin. / LEAH MILLIS / REUTERS

La First Lady des Etats-Unis, Melania Trump, a tenté d’apporter un peu d’humanité au dossier de l’immigration en se rendant jeudi 21 juin dans un centre de prise en charge d’enfants de sans-papiers, au Texas. Elle-même immigrée, elle avait exprimé publiquement son malaise après la décision des autorités américaines de séparer les familles entrées illégalement sur le territoire américain. Ce déplacement préparé dans le plus grand secret ne devrait cependant pas modifier les termes d’une équation compliquée.

Au lendemain du renoncement officiel à cette politique de séparation des parents et des enfants, qui a suscité le trouble y compris au sein des rangs républicains, la situation reste en effet particulièrement confuse. Et les déclarations contradictoires des différents départements de l’Etat fédéral n’ont fait qu’ajouter à l’incompréhension.

En signant mercredi un décret présidentiel interdisant à l’avenir ces séparations, conséquence d’une politique de « tolérance zéro » qui implique depuis le début du mois de mai que toute personne arrêtée après être arrivée illégalement sur le territoire américain sera emprisonnée avant d’être jugée puis expulsée, le président des Etats-Unis a paré au plus pressé. Son décret ne dit cependant rien du sort des 2 500 enfants coupés de leurs familles et qui ont été d’ores et déjà placés dans des centres dispersés dans treize Etats.

Il ne permet pas non plus de comprendre le sort qui sera réservé aux familles appréhendées depuis mercredi. Les services fédéraux se sont contredits jeudi à ce sujet. La police des frontières a laissé entendre au Washington Post qu’elle reviendrait à la mansuétude dont bénéficiaient auparavant les familles de sans-papiers alors que le ministère de la justice a assuré de son côté qu’il n’en serait rien.

Défi logistique

Pour répondre au défi logistique posé par ces incarcérations en famille, le ministère de la défense a d’ailleurs été sollicité pour préparer l’accueil de 20 000 enfants, selon le New York Times. Les emprisonnements des familles de sans-papiers se heurtent de plus à un verrou que le ministère de la justice espère faire sauter, sans garantie de résultat. Un arrêt dispose en effet que des enfants entrés illégalement sur le territoire américain ne peuvent pas être incarcérés plus de vingt jours, un délai très court rapporté à la longueur des procédures qui s’appliquent aux franchissements clandestins de frontière. Autant dire que les séparations pourraient rapidement reprendre en contradiction avec le décret présidentiel de mercredi.

Donald Trump a exprimé son opposition sur son compte Twitter, jeudi, à une augmentation des juges pour répondre à l’engorgement des tribunaux, tout en continuant de plaider pour sa politique de « tolérance zéro ». « Nous devons être très, très durs à la frontière. Si nous ne le faisons pas, vous serez inondés de gens et vous n’aurez vraiment pas de pays », a-t-il encore répété jeudi à la Maison Blanche.

Dans le même ordre d’esprit, le président a d’ailleurs prévu de rencontrer vendredi les familles de victimes de sans-papiers. Ce groupe de pression l’a activement soutenu depuis son entrée en politique, il y a trois ans et devrait lui permettre une nouvelle fois de dépeindre l’immigration illégale comme une source majeure d’insécurité. Sa base électorale est sensible à cet argument pourtant relativisé par les statistiques qu’il a utilisées lundi pour stigmatiser la politique migratoire de la chancelière allemande, Angela Merkel.

Divisions entre républicains

Sommé d’agir par le président des Etats-Unis, le Congrès semble bien en peine, par ailleurs, de parvenir à un résultat compte tenu de profondes divisions entre républicains. Un projet de loi soutenu par l’aile la plus répressive du Grand Old Party n’a ainsi pas fait le plein des voix républicaines à la Chambre des représentants, jeudi. Dans la crainte de représailles de ces radicaux, la direction du Parti républicain a préféré reporter sine die un vote sur un autre texte, plus modéré, qui prévoit une régularisation des sans-papiers arrivés aux Etats-Unis alors qu’ils étaient mineurs, en échange notamment de fonds pour le « mur » que Donald Trump souhaite ériger à la frontière avec le Mexique et de restrictions visant l’immigration légale.

Faute de projet de loi adopté par le Congrès, qui nécessiterait par ailleurs un vote favorable au Sénat où l’étroite majorité républicaine a besoin de soutiens démocrates, l’administration Trump ne peut agir que par décrets en s’exposant à des contestations juridiques en chaîne. Une situation déjà expérimentée à ses dépens par le démocrate Barack Obama lorsque ses propres textes sur l’immigration, en 2014, avaient été bloqués par des gouverneurs républicains et des juges fédéraux nommés par des présidents de la même sensibilité.

« On ne peut passer aucune loi sur l’immigration, que ce soit pour renforcer la sécurité ou toute autre raison, y compris humaniste, sans avoir les voix des démocrates », a pesté Donald Trump, jeudi soir sur son compte Twitter. Le président a semblé découvrir cette évidence dix-huit mois après son arrivée à la Maison Blanche.