L’Opéra national de Budapest, le 21 juin. / FERENC ISZA / AFP

Il y a un peu plus de dix ans, le gouvernement polonais s’en prenait à la série télévisée britannique Les Télétubbies, accusée de « promouvoir l’homosexualité » auprès d’un jeune public. Aujourd’hui, c’est au tour de la Hongrie de partir en croisade contre Billy Elliot. Jouée en ce moment à Budapest, la célèbre comédie musicale d’Elton John, adaptée d’un film britannique à succès, est victime d’une campagne sans précédent, ayant contraint l’Opéra national hongrois à la déprogrammer en catastrophe, faute de réservations.

La charge a été lancée par Magyar Idök, un journal progouvernemental accompagnant les efforts du premier ministre pour mener sa « révolution conservatrice » dans ce pays d’Europe centrale. Dans un éditorial au vitriol, à peine deux mois après la victoire électorale de Viktor Orban aux législatives, il s’en est pris aux milieux artistiques, constatant que dans le domaine de la culture, il n’y « avait pas encore eu de véritable changement de régime ».

Prenant l’exemple de cette comédie musicale, accusée de « propager l’homosexualité dans une situation où la population diminue et où la Hongrie est menacée par une invasion étrangère », il a considéré qu’il était « incompréhensible qu’une institution publique, allant à l’encontre des objectifs de l’Etat » s’adonne encore à mettre en avant le destin d’un petit garçon préférant les chaussons de la danse classique aux virils gants de boxe des autres bambins issus comme lui d’un milieu ouvrier.

« Bad buzz »

S’en est suivi un débat de société sur les tentatives des élites artistiques pour marquer l’inconscient des jeunes enfants, par le biais détourné de la création subventionnée. Un « bad buzz » ayant eu un impact significatif sur les ventes de billet selon la direction de l’Opéra, au point de forcer l’annulation de 15 des 40 représentations prévues.

Et comme lorsque le gouvernement a souhaité s’en prendre aux migrants, aux ONG ou aux journalistes, cette campagne homophobe, menée indirectement par des obligés du pouvoir, semble inscrite dans des ambitions larges. Car Figyelö, un autre organe de presse largement acquis à la cause de Viktor Orban, a publié le 19 juin un article établissant la liste d’universitaires travaillant sur le thème du genre ou de l’homosexualité avec de l’argent public.

Là encore, il est reproché, sur un ton acrimonieux, à des chercheurs dont le nom et la photo sont offerts à la vindicte populaire, de ne pas participer aux efforts de la nation pour relancer le taux de natalité, mais au contraire de dilapider l’argent du contribuable dans le but de « diffuser une idéologie ». Le journal rappelle que des arbitrages budgétaires se profilent pour 2019, ce qui pourrait permettre de remédier à cet état de fait.

Ce même hebdomadaire avait déjà suscité un scandale en publiant, quelques jours après les dernières élections législatives, une liste de 200 « spéculateurs » supposément au service du philanthrope juif américain George Soros, un octogénaire accusé par Viktor Orban de mener, par le biais détourné des dons à des ONG, une politique visant à limiter la mainmise du gouvernement sur la Hongrie.