Le premier ministre grec Alexis Tsipras, à Athènes, le 18 juin. / COSTAS BALTAS / REUTERS

Editorial du « Monde ». Huit ans après le début de la crise, la Grèce voit enfin la lumière. Les ministres des finances de la zone euro sont parvenus, dans la nuit de jeudi 21 à vendredi 22 juin à Luxembourg, à un accord pour alléger la colossale dette grecque. Athènes va sortir du plan d’aide pour se financer sur les marchés à partir du 20 août. Pour le commissaire européen aux finances, Pierre Moscovici, l’accord « met un point final symbolique à une crise existentielle pour notre monnaie unique, une crise à laquelle elle a survécu ».

Alors que de nouveaux nuages italiens pointent sur l’économie du continent, alors surtout que la crise migratoire met terriblement à l’épreuve l’Union européenne, il était plus que temps de clore ce chapitre grec, où l’idée européenne a connu son premier naufrage. Dans sa gestion de la crise grecque, l’Europe a montré ce qu’elle sait faire de pire : défaut de solidarité entre les Etats, fracture entre le Nord et le Sud et coupable manque de réactivité. Le plan adopté en 2010 a été un désastre. Le pays s’est écroulé, l’économie est sous perfusion, le chômage a explosé, surtout pour les jeunes, et le moral des Grecs est tombé au plus bas. Mais la Grèce a survécu, le « Grexit » a été évité, l’eurozone n’a pas explosé.

De spectaculaires volte-face idéologiques

Le pays relève un peu la tête, avec une croissance de 1,4 % en 2017. Mais le secteur bancaire est toujours atrophié et les investissements restent faibles. Athènes retrouvera en août une certaine liberté, qui restera largement surveillée. La dette (178 % du produit intérieur brut) n’est pas effacée. Elle est allégée par un mécanisme complexe et les gouvernements grecs devront maintenir un excédent budgétaire primaire (hors intérêts financiers) de 2,2 % jusqu’en 2060. Une façon de veiller à ce qu’ils ne se lancent pas dans des promesses électorales à crédit, comme la gauche du Pasok et la droite de la Nouvelle Démocratie l’ont fait par le passé en conduisant le pays au fiasco.

Dans ces décombres, Alexis Tsipras s’est imposé comme un premier ministre courageux, qui a su affronter les vents adverses, face à Bruxelles mais aussi à ses propres partisans. Il a gardé le cap, même si ce fut au prix de spectaculaires volte-face idéologiques. Le jeune premier ministre de la gauche radicale, élu en janvier 2015 pour combattre l’austérité, représentée alors par la « troïka » des créanciers de la Grèce (Commission européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire international), a été contraint, six mois après, d’accepter un nouveau plan de rigueur sous peine de sortie de la Grèce de la zone euro.

« Huit ans d’efforts et de sacrifices qui s’achèvent

L’humiliation du premier ministre grec lors du Conseil européen de juillet 2015 est aussi une des heures sombres de l’Union. Il avait osé soumettre à référendum l’accord qui tournait le dos à son programme électoral. L’usage démagogique qu’il en a fait était une erreur, mais qui ne méritait pas une telle vexation. Après cette défaite, il est revenu face à ses électeurs pour faire valider, avec succès, son retournement. Un an avant les prochaines législatives, il est aujourd’hui au plus bas dans les sondages, connaissant le déclin des premiers ministres grecs obligés d’imposer l’austérité.

« Pour la Grèce, ce sont huit ans d’efforts et de sacrifices qui s’achèvent », s’est réjoui Pierre Moscovici. Pendant la crise, les Grecs ont fait preuve de résilience et de réalisme. Ils sont peu nombreux à Athènes à croire que la période des sacrifices est aujourd’hui révolue.