Base des forces américaines à Manbij, en Syrie, tout près de la frontière turque, le 8 mai. / RODI SAID / REUTERS

Alors que la campagne électorale touche à sa fin, pas un jour ne passe sans que le président turc, Recep Tayyip Erdogan, se félicite de nouveaux succès militaires contre le PKK et ses alliés en Syrie et en Irak. La guerre menée par Ankara contre les combattants kurdes aux marges des pays frontaliers de la Turquie est devenue un élément central de la stratégie électorale du dirigeant en campagne, largement répercutée par les médias qui lui sont acquis.

La volonté du pouvoir de convoquer les élections anticipées du dimanche 24 juin a été annoncée en avril, immédiatement après que les forces turques et les groupes armés syriens placés sous leur commandement ont pris le contrôle de l’enclave kurde d’Afrin, dans le nord de la Syrie. Bien que l’enthousiasme nationaliste teinté de références religieuses que l’opération avait suscité se soit essoufflé dans une atmosphère dominée par la mauvaise santé économique du pays, le chef de l’Etat turc et ses soutiens persistent dans leur veine martiale, quitte à faire fi de la réalité du terrain.

De fait, et malgré les déclarations triomphalistes du pouvoir, l’avancée des forces turques reste bloquée dans le nord de la Syrie. « Nous sommes en train de sécuriser Manbij », affirmait mercredi le chef de l’Etat turc en référence à cette ville contrôlée par des alliés des forces kurdes avec le soutien des Etats-Unis, et présentée comme un objectif majeur de l’intervention turque dans le nord du pays. Or si les patrouilles turques et américaines se coordonnent sur la ligne de démarcation qui sépare les soldats d’Ankara des forces à dominante kurde qui contrôlent la ville, le statu quo continue d’y prévaloir.

Nouveaux éléments de langage

Le terrain irakien, où l’armée turque soutenue par l’aviation se déploie depuis le mois de mars, a cependant fourni au président turc de nouveaux éléments de langage. Le massif du Qandil, dans les montagnes du Kurdistan irakien, qui a servi de refuge au commandement du PKK depuis les années 1990, est constamment évoqué dans les discours. Sa chute serait imminente, à en croire le président turc, lequel annonçait mercredi que l’ensemble des chefs de la guérilla kurde avaient été éliminés par une frappe aérienne.

Or le rythme auquel la situation évolue sur le terrain demeure sans rapport avec les déclarations victorieuses de Recep Tayyip Erdogan. Selon un expert de la politique régionale turque :

« Pour l’instant, l’opération sur Qandil, c’est surtout de la rhétorique. Après Afrin, il fallait relancer la machine de propagande. Les forces turques en présence ne sont pas de nature à lancer une offensive militaire majeure contre Qandil. Cela prendra plus de quelques semaines. »

Bien que les résultats se fassent attendre, la volonté d’Ankara d’intensifier la lutte contre le PKK et ses alliés dans les pays voisins est une réalité. En Irak, les forces armées turques établissent une présence qui se veut aussi durable que celle qu’elles assurent déjà dans les territoires syriens passés sous leur contrôle. « Erdogan s’est allié avec ceux qui, au sein de l’armée et de l’Etat, veulent mener une stratégie régionale de long terme contre le PKK et qui ont trouvé dans ce contexte l’opportunité de faire avancer leurs intérêts », estime un analyste sécuritaire turc. Reste à savoir comment l’issue du scrutin de dimanche pourra affecter cette évolution.