Devant les résultats du bac, en 2017. / RICHARD BOUHET / AFP

Imaginez des centaines de milliers de lycéens à la queue leu leu, en attente de se voir ouvrir la porte d’une filière dans l’enseignement supérieur. La plate-forme d’orientation Parcoursup a alors des allures de longue file, qui pourra durer, pour certains, jusqu’à la fin de la procédure en septembre. Il existe pourtant une sorte de pass VIP qui, depuis 2014, permet d’intégrer certaines filières sans passer par la porte principale : le dispositif « meilleurs bacheliers ».

Dans sa version inaugurée sous le quinquennat de François Hollande, ce système baptisé « bachelier méritant », visait, selon la rhétorique gouvernementale de l’époque, à « récompenser le mérite partout » en offrant, début juillet, aux 10 % de meilleurs bacheliers de chaque série de chaque lycée, une seconde chance d’intégrer une filière sélective. Le dispositif a ensuite été élargi pour lutter contre l’autocensure en ouvrant la porte des filières sélectives à des lycéens qui n’avaient pas pris conscience de cette possibilité et/ou de leur potentiel. Le millésime 2018, tel qu’amendé par le gouvernement, prévoit plusieurs modifications.

Qui peut obtenir le coupe-file ?

Selon le projet de décret qui devrait être prochainement publié, seront éligibles les bacheliers 2018 « qui ont obtenu une mention très bien, bien ou assez bien et les meilleurs résultats dans chaque série ou spécialité du baccalauréat dans la limite de 10 % », et ce, pour chaque lycée. Donc, non seulement il faut être parmi les meilleurs de son établissement mais également avoir une mention, ce qui n’était pas le cas en 2017 : deux bénéficiaires du dispositif « meilleurs bacheliers » avaient ainsi obtenu leur baccalauréat sans mention.

Quelles sont les filières accessibles ?

Alors que le dispositif était limité aux formations sélectives (classes prépas, BTS, IUT, IEP de province, quelques écoles d’ingénieurs et écoles de commerce privées), le projet de décret prévoit d’intégrer les licences universitaires et la Paces (fac de médecine). « Un dispositif plus large », souligne Philippe Vincent, secrétaire général du Syndicat national des personnels de direction de l’éducation nationale (SNPDEN), qui pourra concerner beaucoup plus de candidats que précédemment, mais qui se détourne de son « objectif initial », regrette Claire Krepper, secrétaire nationale du SE-UNSA (SE pour « syndicat des enseignants »), rappelant que « le système permettait à des lycéens qui n’avaient pas osé faire le choix de filières sélectives d’avoir une seconde chance ».

Dans cette nouvelle mouture de « meilleurs bacheliers », « il faut que le lycéen concerné ait, dans ses vœux initiaux sur Parcoursup, demandé la formation sélective et qu’il ait maintenu son vœu en attente », précise Mme Krepper. En clair, le dispositif donnera à un lycéen en attente plus de chance d’obtenir un de ses vœux mais en aucun cas d’intégrer une filière qu’il n’avait pas osé viser avant ses résultats au baccalauréat. « Cela permet de remonter les files d’attente, mais ce n’est pas un droit, c’est un accès prioritaire », résume la syndicaliste.

Pas de garantie

Enfin, faire partie des 10 % de « meilleurs bacheliers » n’est pas un laissez-passer qui ouvre les portes des établissements sur lesquels les lycéens ont maintenu leurs vœux. « Le recteur d’académie détermine, après avoir consulté les chefs ou le directeur d’établissement, le nombre de places consacrées », indique le projet de décret. « Mais le timing rend l’affaire compliquée », décrypte M. Vincent. En effet, alors que les résultats du baccalauréat sont programmés pour le 6 juillet, « le recrutement des établissements est généralement bouclé. Il est difficile de générer des places, à ce moment-là », explique le proviseur.

C’est sur la plate-forme Parcoursup que les candidats concernés recevront une proposition d’admission, « en fonction du nombre de places consacrées à la mise en œuvre du dispositif », peut-on lire dans le projet de décret. Si plusieurs candidats peuvent se prévaloir du dispositif « meilleurs bacheliers », les propositions d’admission tomberont selon le rang de classement sur Parcoursup.

Un bouchon en 2019 ?

Dans cette édition 2018 des « meilleurs bacheliers », ceux qui auront définitivement validé un vœu avant les résultats du baccalauréat, prévus le 6 juillet, sans maintenir de demande dans une ou des formations où ils sont en liste d’attente, ne pourront pas bénéficier du dispositif.

Si le système est reconduit tel quel l’an prochain, des lycéens en mesure d’espérer être « meilleurs bacheliers » pourraient alors choisir de « jouer la montre » en attendant les résultats du bac avant de valider définitivement un vœu, avec, pour conséquence, un embouteillage accru dans Parcoursup et à la porte des établissements d’enseignement supérieur.

Pour éviter la mise en place de ce type de stratégie en 2019, la réduction du temps pour répondre à une proposition de place fait partie des « améliorations demandées pour 2019 », indique Philippe Vincent.