Documentaire sur Histoire à 20 h 40

Le 4 mai 1970, dans l’Ohio, les gardes nationaux tirent sur des étudiants, tuant quatre personnes et blessant de nombreux manifestants antimilitaristes. / John Filo / AP

Période bénie pour la pop, le rock ou le folk que cette décennie 1965-1975. Ce volet de la série documentaire Soundtrack, qui retrace huit événements historiques à travers leur bande-son, rappelle, si besoin, l’importance de la musique dans la société américaine de l’époque. Jamais celle-ci n’a pris une telle place lors d’un conflit armé, aussi bien chez les soldats que parmi les civils.

Au front comme au pays, la musique est partout. Elle aide les GI à tenir le coup et les militants pacifistes à chanter leur colère. Sans oublier certains tubes « nationalistes » atypiques, comme La Ballade des bérets verts, interprété martialement par le sergent Sadler en 1966 et qui resta, pendant des semaines, en tête des ventes, devant les Rolling Stones ou les Beach Boys ! Tout au long de ce film, les tubes résonnent et leurs textes sont décryptés.

Musiciens (Bruce Springsteen, Eric Burdon, David Crosby, Joan Baez, Ben Harper entre autres), journalistes, anciens soldats témoignent tout au long de ces quarante minutes émouvantes. Et les nombreuses images d’archives, en couleurs ou en noir et blanc, rappellent la violence de l’époque : pas seulement en première ligne, lors d’une guerre atroce au-dessus de laquelle flotte l’odeur du napalm, mais aussi dans les villes américaines et sur les campus.

Kent State - The Vietnam War

C’est d’ailleurs sur les pelouses de l’université d’Etat de Kent (Ohio) que, en mai 1970, ont lieu des événements qui vont profondément choquer l’Amérique. Et, par là même, voir naître un tube sortant de l’ordinaire. Les images tournées sur les lieux sont glaçantes : le 1er mai 1970, une manifestation antimilitariste sur le campus est violemment réprimée. Deux jours plus tard, face aux caméras, James A. Rhodes, gouverneur de l’Ohio, annonce : « Nous allons utiliser tous les moyens de police nécessaires pour expulser les manifestants ». Apprenant que l’école des officiers de réserve, située sur le campus, a été incendiée, il annonce : « Nous allons éradiquer le problème. »

Le 4 mai, la garde nationale est appelée en renfort. On fait croire aux uniformes verts que des agitateurs communistes préparent une révolution. Alignés en haut d’une petite colline surplombant les pelouses, les gardes nationaux pointent leurs fusils sur les étudiants. Des tirs fusent, sans sommation. On relèvera quatre morts, deux filles et deux garçons. On voit un professeur, présent sur les lieux, demander à un responsable de l’université d’arrêter le massacre. Ce dernier ne lui répond pas. Le pays est en état de choc. Apprenant la nouvelle, Neil Young prend sa guitare, compose et enregistre en une journée Ohio qu’il jouera avec ses amis Crosby, Stills et Nash. Le refrain martèle en boucle : « Quatre morts dans l’Ohio. »

Pendant des semaines, la chanson est diffusée sur toutes les radios du pays. Dans les manifestations, on peut lire sur des pancartes : « 48 700 soldats américains et quatre étudiants morts. Pourquoi ? » Le drame de Kent State marque les esprits, mais il n’est pas le seul. Comme le rappelle un témoin : « La garde nationale a aussi tiré sur des étudiants à Jackson State et South Carolina State. Mais comme se sont deux facultés historiquement à majorité noire, il y a eu moins de retentissement qu’à Kent State où ce sont des étudiants blancs qui ont été tués… »

Kent State et la guerre du Vietnam (EU, saison 1, ép. 3/8, 2017, 40 min).