Les dirigeants de seize pays membres de l’UE doivent participer, dimanche 24 juin, à un mini-sommet, improvisé et « informel », de Bruxelles pour évoquer des « solutions européennes » à la question migratoire, avant le conseil qui doit réunir les 28 chefs d’Etat et de gouvernement, les 28 et 29 juin, à Bruxelles également.

Avant la rencontre, les participants ont réaffirmé des lignes parfois très contrastées sur les réponses à apporter aux situations des milliers de réfugiés qui tentent de traverser la Méditerranée et les frontières de l’Europe.

La France pour des « centres fermés sur le sol européen »

A la veille du sommet, Emmanuel Macron a défendu une approche « collaborative » en Europe sur le sujet, qu’il oppose à celle des pays du groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque et Slovaquie). Le président français a tenu samedi 23 juin une conférence de presse commune avec le premier ministre espagnol Pedro Sanchez, qu’il a reçu à l’Elysée. M. Macron y a déclaré être en faveur de sanctions financières envers les pays de l’UE qui refuseraient d’accueillir des migrants, expliquant : « on ne peut avoir des pays qui bénéficient massivement de la solidarité de l’UE et qui revendiquent massivement leur égoïsme national quand il s’agit de sujets migratoires ».

À cette occasion, la France et l’Espagne ont proposé la mise en place de « centres fermés sur le sol européen dès le débarquement » des migrants, et prôné une « solution différente et complémentaire » à une crise qui divise l’Europe. « Une fois débarqués sur le sol européen, nous sommes favorables à mettre en place des centres fermés conformément au HCR, avec des moyens européens qui permettent (…) une solidarité financière immédiate, une instruction rapide des dossiers, une solidarité européenne pour que chaque pays prenne de manière organisée les personnes qui ont droit à l’asile », a expliqué M. Macron.

Sur le fond, la position française est de n’accorder ce droit d’asile qu’aux migrants justifiant d’une persécution et d’expulser les migrants économiques. La position de la France repose sur la protection des côtes par l’agence Frontex, qui serait renforcée à 10 000 hommes contre 1 500 actuellement, et la création d’un office européen pour centraliser les demandes d’asile, afin de pouvoir répartir en Europe les personnes ayant obtenu le statut de réfugiés.

« Résumé des sujets »

Les pays du groupe de Visegrade ne pourront répondre directement au président français, dimanche à Bruxelles : ils ont exclu leur participation à la réunion, jugeant que ses résultats seront de toute manière « inacceptables ».

L’Italie, de son côté, a hésité mais a finalement confirmé sa présence, sur insistance de la chancelière allemande Angela Merkel. C’est, à l’évidence, pour soutenir celle-ci que la plupart des dirigeants participeront au rendez-vous dominical fixé par la Commission.

Le premier ministre italien Giuseppe Conte a cependant indiqué que la conclusion serait un simple « résumé des sujets abordés » avant le sommet, qui sera probablement très houleux. Sous l’impulsion du ministre de l’intérieur, Matteo Salvini, Rome a maintenu sa ligne dure à l’égard des ONG qui recueillent des migrants en Méditerranée.

Mme Merkel n’a dit finalement pas autre chose que M. Conte : elle a exclu, vendredi, l’hypothèse d’une « solution européenne » qui serait dégagée dès dimanche. Elle a insisté plutôt sur « des accords bilatéraux, trilatéraux et multilatéraux » à conclure avec des pays comme l’Italie, la Grèce ou encore la Bulgarie. La CSU, l’aile droite de la coalition allemande, exige des solutions pour fin juin au plus tard et, à défaut, le ministre de l’intérieur, Horst Seehofer, entend renvoyer les migrants arrivant en Allemagne dans les pays où ils ont été enregistrés en premier lieu.

La Commission abandonne son texte

Il se confirme, en tout cas, que les participants à la réunion de dimanche débattront de la solidarité entre les pays membres et de quotas de répartition obligatoires des demandeurs d’asile entre les pays membres. Hypothèse rejetée catégoriquement par le Hongrois Viktor Orban et ses alliés.

La Commission avait élaboré, au milieu de la semaine dernière, un projet de texte de conclusions, en insistant sur un meilleur contrôle des frontières (avec la mise en place d’une véritable police) et une pression accentuée (avec des menaces de sanctions) sur les pays africains pour qu’ils limitent les départs et acceptent rapidement des réadmissions. Bruxelles espère aussi forcer une définition des procédures communes d’asile – bloquées depuis des années – et instaurer une « solidarité » entre les États membres pour la répartition des demandeurs d’asile.

L’idée de créer des « plates-formes de débarquement » de migrants aux frontières extérieures de l’Europe n’est pas évoquée explicitement dans le texte, pas plus que celle de centres pour déboutés du droit d’asile qui devraient être renvoyés dans des pays tiers. Le texte de la Commission évoque un soutien à l’organisation éventuelle « de capacités de protection et de réception hors de l’UE ». Et d’une réinstallation de ceux qui auraient droit à l’asile, « sur une base volontaire » des pays.

Ce texte a été longuement soupesé… mais il ne verra pas le jour. Les réticences du gouvernement italien ont fait que les travaux devraient se conclure par une simple déclaration du seul Jean-Claude Juncker, le président de la Commission.

Le débat de fond à Vingt-Huit se déroulera donc lors du sommet des chefs d’Etat et de gouvernement, à Bruxelles, les 28 et 29 juin. La question des « plates-formes », ou « centres », à installer aux frontières extérieures promet d’être un sujet d’affrontement, avec notamment l’Autriche et le Danemark. Des capitales s’inquiètent de la légalité de cette solution.

La conviction est désormais que les débats à venir concerneront aussi l’avenir de la zone sans passeport de Schengen, pilier de la construction européenne. Le rétablissement des frontières intérieures pourrait entraîner son effondrement.