Dans un bureau de vote d’Ankara, le 24 juin. / ADEM ALTAN / AFP

Plus de 56 millions d’électeurs turcs étaient appelés aux urnes jusqu’à 16 heures dimanche 24 juin pour les élections présidentielle et législatives. Le chef de l’Etat, Recep Tayyip Erdogan, brigue un nouveau mandat après quinze ans de règne sans partage. Les résultats seront connus en début de soirée et l’opposition dénonce des tentatives de fraude.

Ce double scrutin marque le passage en Turquie d’un système parlementaire à un régime hyperprésidentiel souhaité par M. Erdogan et validé lors d’un référendum en 2017. Mais face à une économie qui se dégrade ces derniers mois, le chef de l’Etat turc, qui avait choisi de convoquer ces élections dix-neuf mois avant la date prévue, est en difficulté.

Selon les instituts de sondage, M. Erdogan ne serait pas élu dès le premier tour. Un second aurait alors lieu le 8 juillet. Et son parti l’AKP (Parti de la justice et développement, islamo-conservateur) pourrait même perdre sa majorité au Parlement.

  • Le président Erdogan en difficulté ?

Recep Tayyip Erdogan au moment de voter dimanche, à Istanbul. / HANDOUT / REUTERS

Voyant dans ces élections leur dernière chance d’arrêter M. Erdogan dans sa quête d’un pouvoir incontestable, des partis aussi différents que le CHP (social-démocrate), l’Iyi (nationaliste) et le Saadet (islamiste) ont noué une alliance inédite pour le scrutin législatif, avec l’appui du HDP (prokurde).

Le candidat du CHP à la présidentielle, Muharrem Ince, s’est imposé au cours de la campagne comme le principal opposant de M. Erdogan, tandis que celui-ci a semblé sur la défensive, promettant par exemple de lever rapidement l’état d’urgence ou encore d’accélérer le retour dans leur pays des réfugiés syriens, mais uniquement après que M. Ince eut promis la même chose. Au pouvoir depuis 2002, cette campagne électorale a été la plus ardue pour M. Erdogan. Il a pourtant bénéficié de sérieux avantages : les médias, contrôlés à 90 % par le gouvernement, retransmettaient en intégralité ses meetings. Après avoir voté dimanche matin, M. Erdogan s’est montré confiant :

« La Turquie effectue une révolution démocratique. Avec le système présidentiel, la Turquie met la barre beaucoup plus haut, elle s’élève au-dessus du niveau des civilisations contemporaines. »
  • L’opposition dénonce des tentatives de fraude

Le principal rival de M. Erdogan, Muharrem Ince, dimanche à Ankara. / Ali Unal / AP

Au cours de la journée électorale, le principal d’opposition turc, le CHP, a dénoncé des tentatives de fraude. « De nombreuses plaintes nous sont parvenues », surtout de la province de Sanliurfa (sud-est), a déclaré le porte-parole du CHP (social-démocrate), Bülent Tezcan, lors d’une conférence de presse au siège de son parti à Ankara. « Nos amis sont intervenus au moment où c’est arrivé », a-t-il ajouté.

Il a énuméré plusieurs exemples de tentatives de bourrage d’urnes, avec notamment une urne comptant déjà une centaine de bulletins de vote, tous pour l’alliance dominée par le parti au pouvoir AKP (islamo-conservateur) de M. Erdogan, avant même l’ouverture des bureaux. Il a également diffusé une vidéo, qu’il affirme avoir authentifiée, d’un homme affirmant qu’il y avait plus de bulletins que d’électeurs déjà passés dans un bureau de vote à Suruç.

Le procureur public de Sanliurfa, dont dépend Suruç, a annoncé avoir ouvert une enquête sur ces accusations et quatre personnes ont été arrêtées, selon l’agence de presse étatique Anatolie. Craignant des fraudes, en particulier dans le sud-est à majorité kurde, opposants et ONG ont mobilisé plusieurs centaines de milliers d’observateurs pour surveiller les urnes. « Dans la région, il y a eu des assauts, des menaces pour arrêter nos observateurs », a affirmé M. Tezcan.