Maël, 23 ans, bientôt en master traduction. / La ZEP

Voix d’orientation. En cette période où de nombreux jeunes obtiennent des réponses à leurs vœux d’orientation sur la plate-forme Parcoursup, Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants. Cette semaine, Maël, 23 ans, étudiant à Brest.

« Qu’est-ce que tu veux faire comme métier plus tard ? »
Le plus souvent, un garçon répondra « policier », « pompier » ou « footballeur ». Moi, je répondais plutôt « pâtissier-magicien ». Une
réponse qui en laissait plus d’un perplexe. C’est là que réside une partie de la magie enfantine : on aime deux choses et on les associe sans réfléchir le moins du monde à la faisabilité du projet.

Magicien ? Je le suis finalement devenu. Pâtissier ? Cette partie du projet a été « légèrement »
compromise par deux handicaps neurologiques : la dyspraxie (trouble de la coordination) et la dyscalculie (perte de l’intuition des nombres). La dyspraxie ne touche que 3 % de la population mondiale. Ce handicap est invisible mais réel. Il faut vivre au quotidien avec une personne touchée, la voir peiner à ouvrir une porte, nouer ses lacets, ouvrir une boîte de conserve, mettre la table, boutonner sa chemise, comprendre les horaires ou le plan d’une ligne de bus… pour avoir un aperçu des gênes occasionnées au quotidien par la dyspraxie.

Comme ce handicap ne se voit pas, il est (plutôt involontairement) ignoré par des enseignants qui n’y sont pas assez formés. Et cela pose très tôt problème. Le primaire : cinq ans de calvaire pendant lesquels je n’arrivais ni à m’intégrer, ni à avancer au même rythme que les autres. J’étais dernier partout sauf en lecture, exercice qui me fascinait mais me
demandait toujours des efforts considérables. Reproduire des lettres sur les pages de mes cahiers me demandait une concentration insoutenable. Mes mouvements étaient maladroits, ma concentration volatile. J’avais besoin d’heures là où les autres avaient besoin de minutes. Chaque année, je passais de justesse en classe supérieure. Je détestais l’école et elle me le rendait bien.

« J’ai redoublé ma cinquième. Ces années au collège furent les plus difficiles de ma vie »

J’espérais que le collège serait un environnement d’apprentissage dans lequel je serais plus épanoui que l’école primaire. Ces espoirs se sont révélés vains. Les profs me considéraient comme un fainéant et me le faisaient savoir. Mes rapports aux autres collégiens n’étaient pas non plus des meilleurs. Mes résultats laissaient à désirer, j’étais le dernier partout ou presque. J’avais beau exceller à l’oral, les coefficients jouaient en ma défaveur. J’avais des résultats catastrophiques là où il fallait s’en sortir (maths, technologie, géographie, SVT, physique, chimie). J’ai redoublé ma cinquième. Ces années au collège furent les plus difficiles de ma vie. Je n’ai pas été accepté en lycée général et j’ai été dirigé vers un bac pro ARCU (accueil relation clients et usagers).

Pendant trois ans, j’ai étudié la gestion relation clients, la bureautique, l’anglais, la vente, la
comptabilité, en plus des matières générales. En France, les clichés ont la vie dure sur les bacs pro et les profs nous le disaient : « Seul un élève sur cinq sera accepté en BTS. » Ils nous déconseillaient d’aller à l’université. Au cours de ces années, je suis passé de dernier à premier de la classe. Sur une classe de vingt-cinq, nous avons été seulement trois à obtenir un BTS.

« Parmi mes nouveaux rêves, le métier de guide en était un »

Nouveau souffle, nouvel élan dans ma vie. En BTS, je me suis fait un ami très proche. Je suis devenu très audacieux et supersociable. Ces années n’ont pas toujours été faciles sur le plan scolaire, mais elles m’ont beaucoup apporté. Mon prof de relation clients de l’époque a cru en moi et a redoré l’image que j’avais des enseignants. Sans lui, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui.

J’y suis finalement arrivé : bac, BTS. Mais j’ai voulu aller encore plus loin. Parmi mes nouveaux rêves, le métier de guide en était un. J’ai toujours été fasciné par l’histoire et la prise de parole en public. J’ai été admis parmi quelque 16 étudiants retenus pour préparer une licence professionnelle de guide conférencier à Narbonne. Pendant un an, j’ai étudié l’histoire, l’histoire de l’art et la communication appliquée au métier de guide. J’ai dirigé des visites dans différentes villes de France et même à Malte.

Cette formation très professionnalisante m’a donné la possibilité de faire un stage à l’étranger. J’ai trouvé une entreprise qui m’a embauché en CDD pour accompagner des voyages en Irlande. Durant deux saisons, j’ai travaillé comme guide accompagnateur et conférencier. Cette expérience professionnelle m’a permis d’assouvir un peu ma passion pour le voyage. J’ai continué les études mais je conserve précieusement ma carte de guide conférencier européen qui me permet de rentrer gratuitement dans les musées et de travailler comme guide lorsque j’en ai envie.

Le temps passant, j’ai repensé à un autre de mes rêves d’enfant : celui de devenir interprète. Je suis parti sept mois en Allemagne pour travailler comme assistant de français dans un collège et lycée. J’y ai donné des cours de français à des Allemands et des cours d’anglais à des réfugiés. J’ai fait de gros progrès en allemand et j’ai voyagé à travers l’Allemagne, le Danemark, la Suède… De retour en France, j’ai réussi le test d’admission pour intégrer le master de traduction technique de Brest. J’y vois une formidable opportunité de continuer à avancer vers un rêve depuis converti en projet professionnel : devenir interprète dans la diplomatie. Et c’est magique pour un dyspraxique !

Logo ZEP / La ZEP / Le Monde

La zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans

La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.

Tous leurs récits sont à retrouver sur la-zep.fr, et, pour la plupart, ci-dessous :