Le salaire médian des ingénieurs démarre à 34 000 euros brut par an pour atteindre 100 000 euros vers 60 ans. / Worldskills via Campus

Les deux tiers des ingénieurs fraîchement diplômés se voient offrir des CDI dès leur sortie d’école, rapporte une enquête de l’association Ingénieurs et scientifiques de France, qui rassemble 180 réseaux d’alumni ingénieurs.

Publiée mardi 26 juin sur la base de 52 000 réponses, l’étude brosse le tableau d’une profession qui ne connaît pas, ou presque, le chômage. « Déjà faible par rapport à la moyenne nationale, le taux de chômage a baissé : 3,4 % en 2017 contre 3,9 % en 2016 », relève Marie-Annick Chanel, responsable de l’observatoire des ingénieurs au sein de l’association.

En 2017, « les recrutements se sont révélés plus difficiles, ce qui induira peut-être une augmentation des salaires plus substantielle en 2018 », projette-t-elle.

Le salaire médian des ingénieurs triple au cours de la carrière

Selon cette étude, le salaire médian des ingénieurs triple au cours de la carrière : il démarre à 34 000 euros brut par an (à 23-24 ans) pour atteindre 42 000 euros au bout de cinq ans et 100 000 euros vers 60 ans. Un débutant de 2017 touchait 34 000 euros, contre 33 440 euros en 2008, mais exprimés en euros constants, hors inflation, les salaires ont diminué pour les débuts de carrière, nuance l’enquête d’Ingénieurs et scientifiques de France.

Sur un total de 40 000 nouveaux diplômés chaque année, 20 % ont poursuivi leurs études ou préparent une thèse de 3e cycle. Parmi eux, 21 % envisagent de créer leur entreprise. L’enquête ajoute que 7 % des entrepreneurs de moins de 30 ans ont intégré un incubateur, un tiers de ces incubateurs étant hébergés dans leur école.

Toutes promotions confondues, 38 % de l’ensemble des ingénieurs possèdent un second diplôme de niveau bac + 5 et au-delà. Les deux tiers de ces diplômes sont des thèses. Viennent ensuite des diplômes en gestion, management et marketing, qui représentent 11 % des formations. Les femmes représentent 31 % des ingénieurs préparant un nouveau diplôme, soit un peu plus que leur représentation dans les dernières promotions (28,5 %).

Une notoriété du diplôme parfois jugée trop faible

Chez les moins de 30 ans, 17,7 % travaillent à l’étranger (11,2 % en Europe, 3,5 % en Amérique du Nord et du Sud, 1,7 % en Asie), notamment dans les secteurs des industries extractives, l’industrie pharmaceutique et la banque/assurances. Pour la moitié d’entre eux, il s’agit de leur première expérience professionnelle.

Les avis sur la notoriété du diplôme à l’étranger sont partagés : 49,4 % la jugent insuffisante ou très insuffisante et 50,6 % suffisante ou très suffisante. Des opinions qui se répartissent différemment selon l’âge et le continent : aux extrêmes, 61 % des jeunes travaillant en Europe et 68 % en Afrique estiment que la notoriété de leur diplôme est suffisante, alors qu’ils sont seulement 33 % en Asie et 35 % en Amérique du Nord ou du Sud à être de cet avis.

Pour Hervé Biausser, président de Centrale-Supelec :

« Il y a des pays, notamment en Europe, en Afrique mais aussi en Amérique, qui comprennent très bien le système français, ce qui est moins le cas de la Chine ou de l’Inde, où nous ne sommes qu’une petite goutte d’eau ! Ces pays-là ont adopté les standards américains, ce qui fait qu’au fin fond de la Chine, la notoriété de l’X ou de Centrale-Supelec est égale à zéro… »

L’industrie accueille moins de jeunes diplômés des cinq dernières promotions, ceux-ci étant davantage présents que leurs aînés dans les sociétés de services.

Etonnamment, les moins de 40 ans sont les plus nombreux à ne pas avoir d’avis sur l’effet de la révolution numérique sur leur métier et sur la société (12 % contre 9 % chez les plus âgés). L’opinion la plus répandue chez les moins de 40 ans est qu’il s’agit d’une évolution technologique inscrite dans la continuité, au mieux une accélération, et pour quelques jeunes, elle n’aurait même aucune importance…

Manque d’enseignants en intelligence artificielle

« Pour les moins de 30 ans, le numérique, c’est déjà leur univers », relève Hervé Biausser :  

« Je suis frappé de voir à quel point ils sont déjà dans des logiques collaboratives et de réseau. Ils font preuve d’une grande habileté à aller chercher les données. Cela contraste fortement avec la vision qu’ont les ingénieurs plus âgés d’une très grosse perturbation liée au numérique. »

Dans les deux secteurs actuellement en tension, les data et l’intelligence artificielle, les écoles butent sur une limite, selon le patron de Centrale-Supelec : le manque d’enseignants disponibles :

« Toutes les entreprises veulent recruter des ingénieurs spécialisés dans ces domaines mais nous, ce qu’on veut, ce sont des enseignants capables de les former ! Malheureusement, le système d’enseignement a toujours un temps de réponse assez long. »

Les disparités entre hommes et femmes demeurent importantes : ces dernières ne représentent que 20 % de la profession, et 28,5 % dans la promotion 2017. Leur salaire brut médian s’élève à 47 000 euros contre 60 000 euros pour les hommes. Sur l’ensemble de leur carrière, « les femmes ont en moyenne trois ans et demi d’expérience de moins que les hommes, ce qui explique une différence moyenne de plus de 5 000 euros de salaire brut annuel en moyenne », avance l’étude.

Le choix des formations explique également des différences de salaires : 47 % des femmes ingénieures diplômées en 2016 et 2017 sont issues des filières « agronomie, sciences de la vie, agroalimentaire », « chimie » et « autres, bois, textiles, environnement ». Des formations sensiblement moins rémunératrices que les autres.