Documentaire sur Arte à 23 h 20

Primo Carnera; The Real Rocky Balboa
Durée : 04:12

A sa naissance, en 1906, dans le village italien de Sequals (Frioul), Primo Carnera pesait 7 kilos. Un sacré bébé qui deviendra un colosse mesurant près de deux mètres (1,97 m) et pesant ­entre 122 et 127 kg. Ce boxeur aux mains comme des battoirs, au sourire niais et à la carrière étonnante sur les rings est un personnage de roman.

Hercule de foire transformé en boxeur médiocre avant de devenir champion du monde le 29 juin 1933, catcheur maladroit mais adulé, mauvais acteur dans des navets mais courtisé, alternant les allers-retours entre l’Italie et les Etats-Unis, ce géant aura vécu des aventures hors du commun. Sa naïveté légendaire lui jouera de mauvais tours : plumé par la pègre new-yorkaise et les producteurs véreux d’Hollywood, instrumentalisé par Benito Mussolini, Carnera en a bavé. Mais jusqu’à la fin de sa vie en 1967, entouré de Pina, épousée en 1939, et de ses deux enfants ayant réussi de brillantes études, il ne regrettera rien.

« La tour de Gorgonzola »

Ce documentaire, commenté par Marc Lavoine, riche en images d’archives (extraits de ses combats datant des années 1930 et 1940, de ses films, de ses tournées) et en anecdotes, vaut le détour. Parce que Primo Carnera, entre 1930 et la fin des années 1950, a été une personnalité aussi déroutante que populaire. Et que sa carrière internationale épouse les turbulences de l’époque. Récupéré par le régime fasciste, il sera plus tard rejeté car battu par Max Baer puis par le mythique Joe Louis. Mais au lendemain de son triomphe de juin 1933 face à Jack Sharkey, le Duce lui adressera ce courrier : « Mes félicitations. Toute l’Italie fasciste et sportive est fière qu’une Chemise noire soit championne du monde de boxe. »

Comment ce colosse maladroit et naïf a-t-il connu une telle carrière ? A 17 ans, pour fuir la misère, il débarque en France. Engagé dans un cirque, il est repéré par Léon Sée, alias Monsieur Léon, manager de boxe aux méthodes douteuses qui, après quelques mois d’entraînement dans son écurie de jeunes boxeurs près de Paris, l’emmène aux Etats-Unis. Associé à la pègre locale, Monsieur Léon truque des rencontres, développe des campagnes publicitaires habiles et transforme son poulain italien à la technique rudimentaire en champion de boxe.

Durant huit ans, Primo Carnera boxera, devenant une vedette dont la majorité des gains sont détournés par des manageurs véreux. La presse américaine multipliera, à ses débuts, les superlatifs et les surnoms délirants : « Le macaroni colosse », « Le Goliath du Colisée », « La montagne qui marche » et même « La tour de Gorgonzola » !

Primo Carnera (1906-1967) s'entraîne avant de combattre Jack Sharkey à New York en juin 1931. / AKG-IMAGES/IMAGNO/AUSTRIAN A/KUIV PRODUCTIONS

Lors de la guerre, pour se faire de l’argent, Carnera devient catcheur. A la Libération, sauvé de peu du peloton d’exécution, il abandonne la boxe. Et se tourne alors vers le cinéma où lui sont proposés de petits rôles dans des navets italiens ou américains. Quand il n’incarne pas à l’écran l’« éternel débile », il accepte de participer à des combats de catch.

Mais à près de 50 ans, le physique commence à faiblir. Son épouse, inquiète, lui ouvre un restaurant près du domicile familial californien. Puis un commerce de spiritueux, ce qui n’est pas très judicieux pour une personne comme lui, sujet à la dépression, de surcroît alcoolique. A 60 ans, souffrant de diabète et de cirrhose, Carnera est un mort-vivant qui n’oublie pourtant jamais de sourire. Et les dernières images de cet homme, revenu sur sa terre natale pour mourir, sont poignantes.

Primo Carnera, le colosse aux pieds d’argile, de Jean-Christophe Rosé (Fr, 2017, 81 min).