Après avoir obtenu l’attribution d’un grade de master pour leurs « programmes grandes écoles » (bac +5), les établissements comme l’Ecole normale supérieure (photo) seraient ravis de franchir une deuxième étape, en accédant au « club des licences » pour leurs bachelors, des programmes en trois ou quatre ans. / THOMAS SAMSON / AFP

Comme une traînée de poudre, l’information s’est répandue mardi 26 juin : le gouvernement serait en passe d’autoriser les grandes écoles publiques à délivrer le diplôme national de licence, titre jusqu’à présent réservé aux universités.

Un projet d’arrêté du gouvernement réformant le premier cycle universitaire, examiné vendredi 22 juin par le comité de suivi licence, master, doctorat (LMD), prévoit en effet à l’article 22, d’ouvrir la possibilité à tout établissement public de l’enseignement supérieur de délivrer le diplôme de licence, « seul ou conjointement avec d’autres établissements publics d’enseignement supérieur ».

Mais mardi soir, le cosecrétaire général de l’UNSA Sup’recherche, Stéphane Leymarie, a coupé court aux spéculations, annonçant que le texte de l’arrêté serait revu avant d’être examiné le 9 juillet par le Cneser, où siègent les représentants de la communauté universitaire :

Erreur ou ballon d’essai ?

« Il s’agit effectivement d’une incompréhension. Il n’est évidemment [pas] envisagé d’élargir le périmètre des établissements pouvant délivrer le diplôme national de licence. Le ministère suivra les recommandations du comité de suivi LMD sur ce point et le texte transmis au Cneser sera amendé en ce sens », confirme une porte-parole du ministère de l’enseignement supérieur au Monde, mercredi matin. Le comité de suivi LMD a d’ores et déjà préconisé de limiter l’ouverture des droits de délivrance du diplôme de licence aux seules communautés d’universités et établissements (Comue).

S’agissait-il bien d’une erreur, ou plutôt d’un ballon d’essai ? « Quand tout l’ESR dit non à l’article 22, Frédérique Vidal recule ! » ironise Pierre Chantelot, secrétaire national du Snesup-FSU, qui « attend de voir » la nouvelle version du projet d’arrêté.

Ce quiproquo intervient dans un contexte de recomposition de l’enseignement supérieur, avec des grandes écoles en attente d’une meilleure visibilité à l’international. A la faveur du processus de Bologne, amorcé en 1998 afin de rapprocher les systèmes européens d’études supérieures, les grandes écoles ont demandé de façon de plus en plus pressante la reconnaissance de leurs diplômes internes par l’Etat.

Club des licences

Après avoir obtenu l’attribution d’un grade de master pour leurs « programmes grandes écoles » (bac +5), elles seraient ravies de franchir une deuxième étape, en accédant au « club des licences » pour leurs bachelors, des programmes en trois ou quatre ans. Un avantage symbolique et financier, car ces parcours, aux droits d’inscription élevés, constituent pour elles une vraie manne.

« Cela fait plus sérieux que de proposer un bachelor qui apparaît encore comme un sous-diplôme en France », analysait mi-mai un spécialiste de l’enseignement supérieur, alors qu’un projet de décret accorde au bachelor de l’Ecole Polytechnique le « grade » de licence. En mai également, Sciences Po s’est d’ores et déjà vu attribuer le grade de licence pour son 1er cycle, lequel est accessible sur concours, contrairement au bachelor de l’X.

Délivrer le « grade » et non le « diplôme » de licence pourrait cependant demeurer une « meilleure affaire » pour les grandes écoles, la première configuration n’entraînant aucune contrainte réglementaire, alors que la reconnaissance d’un diplôme de licence entraînerait notamment qu’elles se plient à l’encadrement des droits d’inscription ou au respect du principe de non-sélection. Une révolution.