Le secrétariat de l’OIAC (OPCW en anglais), prix Nobel de la paix en 2013, « mettra en place les dispositions pour identifier les auteurs [d’attaques] aux armes chimiques dans la République arabe syrienne », prévoit le texte. / JOHN THYS / AFP

Malgré la vive opposition de Moscou et Damas, les Etats membres de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) ont décidé mercredi 27 juin de renforcer l’organisation en lui octroyant le pouvoir de désigner les utilisateurs de ces armes de destruction massive en Syrie.

Lors d’un vote à huis clos à La Haye, où siège l’OIAC, 82 pays ont voté en faveur d’une résolution britannique en ce sens, soutenue par la France et les Etats-Unis notamment, et 24 s’y sont opposés. Toutes deux suspectées d’avoir récemment employé des substances toxiques – ce qu’elles démentent –, la Russie et la Syrie y étaient hostiles, de même que l’Iran.

Par conséquent, le secrétariat de l’OIAC, institution qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2013, « mettra en place les dispositions pour identifier les auteurs [d’attaques] aux armes chimiques dans la République arabe syrienne », prévoit le texte.

Selon l’ambassadeur britannique à La Haye, Peter Wilson, cette possibilité pourrait ultérieurement être étendue à d’autres théâtres. Le directeur général de l’OIAC, Ahmet Uzumcu, et son successeur, qui prendra ses fonctions en juillet, ont été mandatés pour soumettre des propositions visant à donner le pouvoir d’identifier les responsables dans d’autres pays, pour peu que leurs gouvernements en fassent la demande, a-t-il expliqué à des journalistes, ajoutant :

« Le principe a été arrêté qu’il devrait y avoir un mécanisme général d’attribution [des attaques chimiques] ainsi qu’un signal clair permettant d’ores et déjà au directeur général d’attribuer [ces attaques] en Syrie. »

Le projet a été adopté au terme d’un bras de fer diplomatique, alors que les inspecteurs de l’OIAC doivent très prochainement dévoiler un rapport sur l’attaque présumée au sarin et au chlore du 7 avril à Douma, près de Damas. Selon M. Wilson, l’OIAC a dorénavant la possibilité de dire qui était derrière cette attaque, qui aurait fait 40 morts.

« Une avancée historique »

Le ministère des affaires étrangères français a salué « une avancée historique dans la lutte contre l’impunité », tandis que son homologue britannique a estimé que ce vote était « crucial si nous voulons décourager l’emploi de ces armes infâmes ».

Les Britanniques avaient demandé cette session extraordinaire de l’OIAC quelques semaines après l’empoisonnement par un agent innervant de l’ex-agent double russe Sergueï Skripal et de sa fille à Salisbury (sud-ouest de l’Angleterre), une attaque chimique – la première depuis des décennies en Europe – que Londres a attribuée à la Russie.

Jusqu’au bout, la délégation russe à La Haye a tenté de noyer les débats dans des questions de procédure, avec le soutien des Syriens et Iraniens. « L’OIAC est en train de couler comme le Titanic. On dirait que l’effondrement de l’organisation est en cours », a commenté mardi soir le vice-ministre de l’industrie et du commerce russe, Gueorgui Kalamanov, lors d’un point de presse.

Fin 2017, les Russes avaient exercé leur droit de veto à l’ONU pour mettre fin au mandat de la mission d’enquête commune ONU-OIAC, le Joint Investigative Mechanism (JIM), visant à identifier les responsables des attaques en Syrie. Avant sa dissolution en décembre, le JIM avait déterminé que le régime syrien avait utilisé du chlore ou du gaz sarin au moins quatre fois contre sa propre population, et que le groupe Etat islamique avait utilisé du gaz moutarde en 2015.

Moscou a également affirmé que l’attaque de Douma avait été mise en scène par les sauveteurs volontaires syriens, connus sous le nom de casques blancs.