Les cartons jaunes auront été fatals au Sénégal lors du premier tour de la Coupe du monde. / CARLOS GARCIA RAWLINS / REUTERS

D’ultimes secondes d’espoir, puis très vite la dure réalité. Alors que l’on jouait la fin des arrêts de jeu et qu’ils avaient besoin d’un but face à la Colombie, les remplaçants sénégalais se sont levés comme un seul homme pour haranguer leurs coéquipiers sur la pelouse de la Cosmos Arena de Samara.

A 800 km de là, à Volgograd, en aval le long de la Volga, les Polonais avaient pourtant joué le jeu. Déjà éliminés, ils avaient fait le travail en ouvrant le score face au Japon. Les Colombiens, qui étaient certains de rejoindre les huitièmes avec un succès, pouvaient également être fiers de leur abnégation après le but du défenseur Mina à la 73e minute de jeu.

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Moins fair-play – c’est un comble, on y reviendra –, les Japonais ont eux neutralisé les dix dernières minutes de leur partie. Plus une offensive ou un semblant d’attaque, les coéquipiers de Hiroki Sakai ont multiplié les passes en arrière ou latérales, sans prendre aucun risque. Au courant de l’ouverture du score colombienne à Samara, ils savaient que cette courte défaite leur ouvrait les portes des huitièmes de finale. Loin de vouloir égaliser, les Japonais ont alors choisi le refus de jeu : pour ne pas prendre un autre but et aussi pour ne pas risquer d’autres cartons jaunes.

A égalité parfaite en termes de points (4), de buts marqués (4) et de buts encaissés (4), ce sont bien les avertissements qui ont fait la différence dans un groupe qui aura été plein de suspense jusqu’au bout, à défaut d’une qualité de jeu de haut niveau. Le verdict est terrible. Cinq avertissements (dont deux M’Baye Niang) pour le Sénégal contre trois pour le Japon, c’est une bien maigre différence pour décider d’un huitième-de-finaliste et d’un éliminé.

Les Sénégalais acceptent leur sort

Le fair-play, utilisé pour la première fois en Coupe du monde pour départager deux équipes, récompense une sélection qui, très loin d’atteindre il est vrai le parfum de scandale du match de la honte entre la RFA-Autriche en 1982, n’a pas complètement respecté l’esprit du jeu jusqu’au bout. Une stratégie assumée par le sélectionneur nippon Nishino : « C’était une décision très difficile. J’ai décidé de garder le statu quo dans notre match, et de miser plutôt sur l’autre match. Mes joueurs ont été fidèles à ma décision. C’était difficile, parce que mon style est orienté vers l’attaque. »

Les Japonais ont choisi le refus de jeu lors des dernières minutes de leur rencontre face à la Pologne. / SERGIO PEREZ / REUTERS

De quoi laisser une légère pointe d’amertume. Les Sénégalais ne tombent pas dans ce travers. Très digne, impeccable en costume sombre et avec beaucoup de recul, le sélectionneur Aliou Cissé n’a en effet pas souhaité polémiquer sur ce nouveau règlement du fair-play. « C’est la loi du foot. De nouvelles règles ont été établies, il faut s’y plier. On a pris plus de cartons que le Japon. Aujourd’hui le Sénégal ne se qualifie pas parce qu’il ne le méritait pas, a confié l’ancien joueur du PSG sans renier le style de jeu de son équipe. On le savait depuis le départ. Nous avons une façon engagée de jouer et donc plus de chances de prendre des cartons. Pas à moi de dire si c’est cruel ou pas. »

Une attitude partagée par monsieur l’ambassadeur du Sénégal en personne, présent dans les tribunes, et qui jugeait ce règlement « tout à fait acceptable ». Reconnaissables à leur polo blanc, siglé « presse sénégalaise », les journalistes du pays ont accepté eux aussi sans protester les conséquences de ce point de règlement. « Les règles sont faites pour être respectées. C’est une grosse désillusion car nous avions la qualification en mains aujourd’hui et lors du match face au Japon [Ils ont mené deux fois au score avant d’être rejoints] », assène Diegane Sarr du quotidien Le Soleil.

Le niveau de jeu de certains interpelle plus. En première ligne, la vedette Sadio Mané, excellent toute la saison avec Liverpool, qui a été encore plus médiocre que lors des deux premières rencontres où il n’avait pas vraiment brillé. « Mané a fait un très mauvais match. Il a ralenti le jeu », juge Diegane Sarr. Un sentiment confirmé par un supporteur sénégalais, Alioune Ndiaye, étudiant à l’Université aérospatiale de Samara : « Je suis vraiment abattu. Sadio Mané est bon dans son club mais avec les Lions, il ne fait plus rien du tout. »

Passer sans s’arrêter, à l’instar de nombreux coéquipiers très déçus, le Red n’échappera pas aux justifications. Elles sont juste reportées.