Un prêtre du diocèse d’Orléans, le père Pierre de Coye de Castelet, et l’ancien évêque de la ville, Mgr André Fort, ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel, mardi 26 juin, pour une affaire de pédophilie datant des années 1990, a-t-on appris jeudi auprès du parquet d’Orléans, confirmant une information de Mediapart. Le prêtre, âgé de 69 ans, sera jugé vingt-cinq ans après les faits pour « atteintes sexuelles sur mineurs de 15 ans », l’évêque, qui a aujourd’hui 82 ans, pour « non-dénonciation » des agissements de l’abbé.

Le renvoi devant le tribunal de Mgr Fort est une première pour l’épiscopat français depuis le procès de Mgr Pierre Pican, l’ancien évêque de Bayeux et Lisieux, condamné en 2001 à trois mois de prison avec sursis pour des faits similaires. Il est surtout le fruit de l’acharnement des parties civiles, qui se battent depuis le dépôt de leur plainte, il y a six ans, pour que le prêtre ne soit pas renvoyé seul devant le tribunal.

L’affaire remonte au début des années 1990. A l’occasion d’un camp de vacances organisé par le Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ) à Arthez-d’Asson (Pyrénées-Atlantiques), durant l’été 1993, l’abbé Pierre de Castelet, aumônier du camp, est accusé par de jeunes garçons d’avoir profité de visites médicales improvisées dans son bungalow pour pratiquer des attouchements sexuels, comme l’avait raconté Le Monde dans son édition du 15 avril 2017.

Pendant deux décennies, personne, au sein de sa hiérarchie, n’a songé à alerter la justice. L’aumônier national du MEJ s’était bien rendu sur le camp en catastrophe, au cours de ce fameux été 1993, pour enquêter sur les « rumeurs ». Mais il s’était contenté de déplacer le prêtre vers un autre camp, avant d’informer par courrier l’ancien évêque d’Orléans, Mgr René P. Ce dernier, mort en 1997, n’alertera pas la justice, pas davantage que son successeur entre 1998 et 2002, Mgr Gérard D.

Le secret bien gardé de l’Eglise

Au fil des années, plusieurs témoignages de parents de victimes sont remontés à l’évêché : ils ont été soigneusement documentés, archivés et enterrés. Les trois évêques qui se sont succédé jusqu’en 2011 n’ont pas jugé utile de les porter à la connaissance de la justice. Pendant deux décennies, les démons du prêtre sont demeurés le secret bien gardé de l’Eglise. Jusqu’au jour où le nouvel évêque d’Orléans, Mgr Jacques Blaquart, se décide à informer le parquet, déclenchant l’ouverture d’une enquête en janvier 2012, dix-neuf ans après les faits.

Dans les semaines qui suivent, trois anciennes victimes du prêtre, âgées de 12 ans à l’époque des faits, se décident à porter plainte. L’abbé est mis en examen en novembre 2012, mais aucun des évêques qui se sont succédé dans son diocèse n’est inquiété. Mgr René P. est décédé, son successeur, Mgr Gérard D., est sauvé par la prescription, tandis que Mgr Fort est placé sous le statut de témoin assisté.

Décidés à obtenir sa mise en examen, les avocats des parties civiles, Mes Martin Pradel et Edmond Fréty, avaient demandé que Mgr Fort soit de nouveau entendu. « Depuis le début de cette enquête, il y a matière à une mise en examen de la hiérarchie pour non-dénonciation. Le parquet reconnaît lui-même que les éléments sont là, mais il ne va pas au bout de sa démarche », avait alors expliqué au Monde Me Edmond Fréty, en avril 2017. L’évêque avait été mis en examen deux mois plus tard, le 8 juin 2017. Le procès pourrait se tenir à la fin de l’année ou début 2019.