Il y a un an, le 1er juillet 2017, deux mois après son cinglant échec à la présidentielle où il est éliminé dès le premier tour avec 6,36 % des voix, et quelques jours après sa défaite au premier tour des élections législatives, Benoît Hamon remonte sur scène. En ce dimanche après-midi, une éclaircie s’invite après une matinée pluvieuse. Sur la pelouse de Reuilly, à Paris 12e, plusieurs milliers de militants ou curieux, élus ou battus, se pressent pour écouter l’ancien président du Mouvement des jeunes socialistes (MJS) qui conclut la journée de son nouveau mouvement, M1717, en référence à sa date de création.

L’ancien ministre de l’éducation salue « les dirigeants de grand talent » qu’il a côtoyés : « Michel Rocard, Lionel Jospin, Martine Aubry et Henri Emmanuelli ». Et annonce, après trente-deux ans de militantisme, le ton grave et à la surprise générale : « J’ai décidé de quitter le Parti socialiste. » Certains applaudissent, d’autres sont bouche bée. Les socialistes de l’aile gauche sont abasourdis.

Quelques jours plus tôt, leur candidat avait évoqué la création d’un mouvement avec les écologistes, mais toujours rattaché au PS. « J’en veux à Benoît de nous avoir lâchés », exprime Marie-Noëlle Lienemann, un an plus tard. « Moi, j’aurais été au congrès. Il fallait qu’il s’explique pour assumer la défaite, quitte à critiquer vigoureusement le parti », déplore la sénatrice PS de Paris. « Hamon comme Montebourg ou Valls sont des loups solitaires. Ils oublient le b.a.-ba : savoir agréger autour de soi », analyse Jérôme Guedj, ex-porte-parole du candidat lors de la campagne présidentielle, qui apprend la nouvelle « à la télévision ».

« On ne pouvait pas rester là »

Des accusations battues en brèche par les quelques socialistes qui ont suivi l’ancien ministre de l’économie sociale et solidaire, comme le député européen Guillaume Balas, qui avait été mis dans la confidence : « On voulait éviter les fuites dans la presse. Comment vouliez-vous qu’on reste au PS après tous les coups de couteau qu’on s’est pris ? Ils ont mis le pied à l’étrier à Macron, ce n’était pas sain. On ne pouvait pas rester là. »

En octobre, le jeune mouvement lance un questionnaire auprès des 30 000 militants revendiqués pour définir son nom et son fonctionnement. Deux mois plus tard, lors du congrès fondateur du 2 décembre, au Mans, le M1717 devient Génération.s.

Avec les deux eurodéputés Guillaume Balas et Isabelle Thomas, le député Régis Juanico, qui vient de rejoindre le mouvement, et une vingtaine d’élus locaux, Génération.s peine à se faire entendre dans le débat public. Début mars, une première grande campagne nationale est lancée pour promouvoir l’accueil des réfugiés et demander le retrait de la loi asile et immigration, mais elle n’est pas visible. Lors de « L’Emission politique », sur France 2, qui réunit cinq chefs de parti, Benoît Hamon n’est pas invité, contrairement à son ancien colocataire Olivier Faure, nouveau premier secrétaire du PS.

« Décisions à contretemps »

Fin mars, Benoît Hamon reprend la main. Une semaine avant le 78e congrès du PS, il récupère une grande partie du MJS, dont la direction claque la porte de la Rue de Solférino. Il s’impose ensuite dans le mouvement social et propose à l’ensemble des formations politiques des déplacements en train pour soutenir les cheminots. Jean-Luc Mélenchon moque « la gauche selfie », mais Benoît Hamon, accompagné de Pierre Laurent (PCF), Olivier Besancenot (NPA) et de députés La France insoumise (LFI), poursuit ses appels, sans jamais réussir à réitérer la « photo de famille » de la manifestation du 23 septembre 2017 où tous les chefs de file de gauche ont défilé côte à côte.

Vient ensuite le printemps des négociations pour la constitution de listes aux élections européennes de mai 2019. Le mouvement a un accord avec Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des finances grec, et son mouvement DIEM25, ainsi que d’autres forces « altereuropéennnes ». En France, les discussions patinent avec Europe Ecologie-Les Verts (EELV), comme une redite de la campagne présidentielle, où le candidat Hamon avait passé plusieurs semaines à nouer un accord avec Yannick Jadot et à tenter de convaincre Jean-Luc Mélenchon, sans succès.

« Durant la présidentielle 2017, il avait une vision dépassée des appareils, se souvient Alexis Corbière, alors porte-parole du candidat LFI, aujourd’hui député. Pour les législatives, il voulait qu’on fasse un accord ensemble, mais sans quitter le PS. On ne comprenait rien ! Finalement, il lance le Mouvement du 1er juillet, on ne sait pas pourquoi à cette date… Il prend souvent des décisions à contretemps. Le timing, c’est important en politique ! »

« Il a fait une connerie en partant »

« J’ai parfois un peu de mal à comprendre l’espace politique qu’ils essaient de définir », commente David Cormand, secrétaire national d’EELV. « L’espace, ça se construit », répond Pascal Cherki, qui n’est « ni pressé ni angoissé » et revendique « une nouvelle façon de faire de la politique, contrairement aux partis traditionnels ».

Fort de 60 000 militants et d’un millier de comités locaux ou thématiques, le mouvement doit se structurer, samedi 30 juin et dimanche 1er juillet, à Grenoble, en proposant une cotisation progressive aux adhérents. « On s’est transformé d’un mouvement de réflexion sur la société à un mouvement politique », se félicite Guillaume Balas, coordinateur de Génération.s.

Un enthousiasme qui ne convainc guère leurs anciens camarades du PS. « Son truc, ça ne marche pas, c’est le désert, relève un cadre du bureau national. Il ne s’est toujours pas rendu compte que 6 % à la présidentielle, ça reste. » « Je pense qu’il faut qu’il revienne. Il a fait une connerie en partant, et il reviendra », espère Marylise Lebranchu, ancienne ministre de François Hollande et proche de Benoît Hamon quand il était au gouvernement.

En vue des européennes, le jeune mouvement, qui tente de s’imposer dans le paysage, aura du mal à se passer d’un accord avec d’autres partis de gauche. Régis Juanico, qui reste au sein du groupe Nouvelle Gauche à l’Assemblée nationale pour « créer des ponts », est formel : « Il faut des contacts avec toute la gauche, sans exclusive. Il ne faut pas marginaliser le PS sous prétexte qu’il serait impossible d’évoluer. » Et de conclure, comme pour se rassurer : « Oui, ça balbutie, mais ça balbutie pour tout le monde. »