Cavani ne reprendra pas le jeu : il vient se faire mal au mollet. / ADRIAN DENNIS / AFP

Après l’épaule de Mohamed Salah, le mollet gauche d’Edinson Cavani risque d’occuper l’actualité footballistique des prochains jours de Coupe du monde. Les bilans de santé du staff médical de l’équipe d’Uruguay vont être scrutés comme ceux des présidents en exercice. Après son doublé victorieux face au Portugal (2-1), l’homme de la qualification uruguayenne boitait bas, au moment de sortir du terrain, soutenu par son adversaire Cristiano Ronaldo en personne.

Samedi 30 juin, le buteur du PSG s’est rappelé au bon souvenir des Bleus, qui retrouveront peut-être sur leur chemin le Matador en quart de finale, souvent déprécié en France. Sorti à vingt minutes de la fin sur cette blessure non identifiée, peut-être une élongation ou pire une déchirure, nul doute que le peuple uruguayen, si fanatique de football, va guetter son rétablissement. Et nul doute que les défenseurs tricolores et le staff de Didier Deschamps vont eux aussi suivre la question attentivement.

À la limite des larmes de joie après son premier but, une curieuse reprise de la… joue sur un centre parfait de son compère Suarez, Cavani était aussi au bord des larmes lorsqu’il a répondu à la télévision au coup de sifflet final, en recevant son trophée de meilleur joueur du match. Le précieux muscle enroulé dans du papier cellophane et alors que ses coéquipiers courraient comme des lapins de garenne devant la tribune de leurs supporteurs, il s’est laissé déborder par l’émotion.

Pointe au mollet

« J’ai ressenti une petite pointe au mollet. J’espère que ce n’est pas grave ce que j’ai. Je suis très heureux pour les supporteurs. C’est très émouvant. Heureux, heureux, heureux, a-t-il lâché en faisant un geste vers la liesse qui se déroulait de l’autre côté du terrain, Faut continuer. On va voir, étudier toutes les situations. J’espère pouvoir jouer avec mes coéquipiers. » En conférence de presse, son sélectionneur Oscar Tabarez s’est montré prudent en reconnaissant que le temps de récupération entre les deux matchs était réduit : « Nous sommes seulement inquiets mais nous ne pouvons pas dire à quel point cette blessure est sérieuse. »

Avant le Mondial, le coach uruguayen avait prévenu les observateurs : « Nous avons toujours été une équipe forte défensivement et cela, nous n’allons pas le perdre. » La question est désormais : l’équipe d’Uruguay peut-elle marquer sans Cavani ? Affronter la sélection orpheline de son buteur, avec le seul Luis Suarez pour vous tourmenter, ne relève pas du même degré de difficulté. Transfiguré par rapport à son entame de compétition, où il est apparu emprunté et balourd contre l’Egypte, Suarez devra faire deux fois plus si le forfait de Cavani se confirme.

Auteur d’un doublé et sorti sur blessure, Cavani a vécu une soirée riche en émotions. / SERGIO PEREZ / REUTERS

Car défendre, la Celeste sait assurément le faire mais marquer des buts sans son duo d’attaquants, c’est nettement plus compliqué. Les deux hommes pèsent 98 buts à eux deux : 45 pour Cavani et 53 pour Suarez. Depuis le début de la compétition, les Uruguayens n’ont encaissé qu’un seul but, celui du défenseur portugais Pepe lors de ce 8e de finale. Ni les Egyptiens, ni les Saoudiens et ni les Russes n’ont réussi à percer le coffre-fort sud-américain.

Lorsque l’on aligne Diego Godin et José Maria Gimenez, la paire de défenseurs centraux de l’Atlético Madrid, quasiment ce qui se fait de mieux en matière d’organisation défensive en Europe, on a moins de chance de prendre des buts. Lorsque l’on peut s’appuyer sur la science tactique du plus vieux sélectionneur de la compétition (71 ans), qui malgré la douleur due à une neuropathie tient sa place en béquille ou en fauteuil électrique au bord du terrain, on a moins de chance de se désorganiser.

« Si on laisse des espaces à la France, c’est difficile »

À ce tableau déjà plus que solide, vous pouvez ajouter des révélations, emblématiques de l’état d’esprit sacrificiel de cette sélection, par exemple le latéral aux dreadlocks, Diego Laxalt, hyperactif dans son couloir gauche et aux faux airs de chien fou. L’Uruguay excelle également dans sa propension à flirter avec les limites de la régularité, à l’image de Godin, un vrai défenseur, comme l’équipe de France n’en a peut-être pas. Le capitaine de la Celeste est le spécialiste des fautes invisibles ou tellement minimes qu’elles ne se sifflent pas. Il fallait aussi assister au numéro de Godin avec son gardien Muslera, qui se sont relayés pour gagner de précieuses secondes en tirant les six-mètres.

Tout cela a de quoi effrayer plus d’une attaque. Mais Kylian Mbappé est-il un attaquant ordinaire ? Au-dessus du lot face à l’Argentine, le jeune Français aura l’occasion de se frotter à une autre opposition vendredi 6 juillet à Nijni-Novgorod, sur les bords de la Volga. Loin des plots défensifs argentins, grâce à ses courses folles, l’adolescent de 19 ans est de taille à déstabiliser la rugueuse Celeste.

« Je crois que le point fort de la France, ce sont ses deux attaquants Griezmann et Mbappé, qui ont une vitesse extraordinaire et essaient d’en profiter par ces courses qui sont les leurs. Si on laisse des espaces à la France, c’est difficile », a prévenu Oscar Tabarez. L’équipe d’Uruguay n’est pas prête à se transformer en Brésil. « Nous avons bien fait les choses, en donnant tout ce que nous avions au fond de nous. Voilà l’identité de notre sélection », a conclu Cavani. Avec ou sans le héros malheureux du soir, les Bleus sont avertis du guêpier qui les attend.