Le ministre allemand de l’intérieur Horst Seehofer, le 2 juillet à Berlin. / Michael Sohn / AP

Angela Merkel a réussi à sauver lundi 2 juillet au soir in extremis son gouvernement allemand en trouvant un compromis avec son ministre de l’intérieur rebelle pour restreindre le nombre de demandeurs d’asile dans le pays.

Le compromis trouvé prévoit l’instauration de « centres de transit » à la frontière entre l’Allemagne et l’Autriche afin d’y installer à l’avenir les demandeurs d’asile arrivant dans le pays mais déjà enregistrés dans un autre Etat européen, en attendant leur expulsion vers ce dernier.

Cette question était au cœur du conflit qui opposait la chancelière, présidente du parti de centre-droit CDU, à son ministre Horst Seehofer, dirigeant du parti conservateur bavarois CSU, et qui menaçait de faire éclater la fragile coalition gouvernementale, difficilement mise en place en mars.

Jusqu’ici, les migrants demandant l’asile à leur arrivée en Allemagne étaient répartis dans des foyers dans l’ensemble du pays jusqu’à ce que leurs dossiers soient examinés. Cet accord marque définitivement la fin de la politique d’accueil longtemps généreuse des migrants en Allemagne.

Le troisième partenaire de cette coalition, le parti social-démocrate, doit encore dire s’il accepte les termes de l’accord trouvé.

« Tractations rudes »

Mme Merkel s’est réjouie d’avoir conclu « après des journées difficiles et des tractations rudes », un « bon compromis » qui respecte « l’esprit du partenariat européen » et en même temps constitue « un pas décisif » vers un meilleur contrôle des demandes d’asile au sein de l’UE. « Nous avons un accord clair sur la façon d’empêcher à l’avenir l’immigration illégale aux frontières entre l’Allemagne et l’Autriche », s’est félicité de son côté M. Seehofer, mettant fin au bras de fer qui l’oppose depuis plusieurs semaines à la chancelière sur la politique migratoire. « Cet accord très solide, qui correspond à mes idées, me permet de continuer à diriger le ministère fédéral de l’Intérieur », a-t-il ajouté. La veille il avait offert sa démission, faute de pouvoir à ses yeux trouver un compromis avec la chancelière. Il s’était finalement ravisé et avait proposé une dernière tentative de négociation.

Le compromis trouvé prévoit que les migrants installés dans les « centres de transit » à la frontière seront obligés d’y rester. Leurs renvois vers les pays où ils ont été enregistrés en premier à leur arrivée dans l’UE devront être organisés toutefois dans le cadre d’accords administratifs conclus avec les pays concernés, et non de manière unilatérale par l’Allemagne.

Si des accords ne peuvent être trouvés, il est prévu de refouler les migrants « à la frontière germano-autrichienne dans le cadre d’un accord avec l’Autriche », précise le texte rendu public.

Merkel fragilisée

A l’origine le ministre de l’Intérieur avait demandé le refoulement à la frontière de tous les migrants enregistrés dans un autre pays. Mais Mme Merkel a refusé au nom de la cohésion européenne.

Cet accord met fin à un conflit de plusieurs semaines Mme Merkel et son allié conservateur bavarois, qui menaçait la survie de la fragile coalition gouvernementale allemande.

M. Seehofer avait même menacé de passer outre le veto de la chancelière et envisagé un temps de décréter unilatéralement des contrôles renforcés aux frontières. Ceci aurait entraîné son limogeage par la chancelière et l’éclatement de la coalition gouvernementale.

Si l’intéressé s’est montré aussi intransigeant c’est aussi que son conflit avec Mme Merkel est quasi-permanent depuis la décision de la chancelière en 2015 d’ouvrir l’Allemagne à des centaines de milliers de candidats à l’asile.

Il n’a cessé de dénoncer ce choix et son offensive vise directement la chancelière, perçue, du fait de son centrisme et de l’essor de l’extrême droite, comme un obstacle par les conservateurs les plus durs. Cependant, malgré l’accord obtenu mardi soir aux forceps, Mme Merkel sort de ce conflit affaiblie.

Le conflit autour des migrants avec l’aile droite de sa coalition pourrait resurgir à tout moment, notamment après une élection régionale en Bavière en octobre, où le parti CSU risque de perdre sa majorité absolue en raison de la percée attendue de l’extrême droite.

Après presque 13 années au pouvoir, Mme Merkel se retrouve non seulement ouvertement contestée au sein de son gouvernement et de sa propre famille politique, mais aussi combattue en Europe, notamment par ses voisins de l’Est, qui remette en cause sa politique migratoire longtemps généreuse.