«  J’ai quitté l’école et j’ai dû en assumer les conséquences », raconte Claudia.

Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Claudia, 22 ans, en service civique à Paris.

Ce jour-là, pour la cinquième fois, je suis allée écouter le discours de bienvenue de la directrice. Une dernière fois. L’année du diplôme. L’année de la réussite. Pourtant, lorsque je suis sortie du métro, j’ai senti ma poitrine se contracter, mes mains trembler, ma tête tourner… Et je me suis demandé comment j’allais tenir jusqu’à la fin de l’année. C’était le jour de la prérentrée.

Pour en arriver là, j’ai fait un bac arts appliqués que j’ai eu avec mention, j’ai découvert l’univers de la bijouterie-joaillerie qui m’a menée dans une des grandes écoles d’arts de Paris, loin de ma petite vie lyonnaise. J’ai appris à vivre seule, loin de ceux que je connaissais. J’ai fait de mon groupe d’amis une nouvelle famille. Après ces trois ans de formation, j’ai décidé de m’orienter vers la finition, légère déviation dans mon cursus qui me permettait de découvrir de nouveaux horizons tout en restant dans la même école. Ce fut ma première petite révolte, ma première décision personnelle.

Heures de cours sans fin

Pourtant, après quelques mois, je me suis rendu compte que cette formation ne me correspondait pas. Moi qui avais quitté la bijouterie, mon rêve d’adolescente, je ne me sentais plus à ma place. Cette quatrième année est passée lentement avec ses doutes, ses questions. Le doute s’insinuait en moi. Les heures de cours sans fin et inintéressantes se succédaient. J’étais entourée de professeurs tantôt hautains, tantôt d’une dureté impitoyable. Leurs commentaires attisaient notre esprit de compétition. Le travail était toujours plus long. Toujours plus poussé. Toujours plus. Il fallait être créatif, novateur, il fallait aller plus loin. Ne rien dire. Ne pas prendre les remarques personnellement. Et pourtant se laisser juger. Encore. Encore. Toujours.

Le mal-être qui grandissait en moi me rongeait lentement. Plus encore après l’été : deux mois de liberté, de calme et de vagabondage. A bout de souffle, j’ai décidé d’arrêter en cinquième année, juste avant le diplôme. Beaucoup n’ont pas compris. Pourquoi une fille comme moi, sans problème, voulait quitter cette grande école d’art ? Parce que c’est ce que je suis, une fille sans problème, intelligente, travailleuse et créative. Une fille qui réussit.

Alors pourquoi arrêter, si près du but ? Mais quel but, au juste ?… L’obtention d’un diplôme qui ne me correspond pas ? Un diplôme qui me met sous pression un peu plus chaque jour qui passe ? Un diplôme qui n’a pas de sens ? Est-ce ça « le but » ? J’ai cette phrase de John Lennon qui me revient en tête : « A l’école, on m’a demandé ce que je voulais faire plus tard. J’ai répondu “heureux”. Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question, j’ai répondu qu’ils n’avaient pas compris la vie. »

« Je suis ici, là où je veux être »

Je me souviens avoir pleuré chaque jour pendant un mois et ce n’est qu’après avoir vu le désespoir qui coulait de mes yeux jour après jour que certains ont commencé à comprendre. D’abord des amis, puis ma famille. Faute d’approuver, ils ont accepté.

Alors j’ai quitté l’école et j’ai dû en assumer les conséquences. J’ai cherché du travail. Pas facile quand on cherche pour quelques semaines et qu’on a aucune expérience ou presque. Pourtant j’ai fini par trouver des petits boulots, une journée par ci, deux jours par là. J’ai appris à me faire confiance. Je me suis prouvée ma valeur et mon courage. Je voulais depuis longtemps faire un service civique et lorsque j’en ai trouvé un qui m’a plu, à Unis-Cité, j’ai tout donné !

Grâce à cette expérience au contact avec les personnes âgées et aux autres jeunes de mon service civique, j’ai appris à me connaître. Adieu petite fille parfaite. Adieu parcours rêvé, grande école, vie lisse. Je suis ici, là où je veux être, j’apporte la joie partout où je peux, je veux donner mon temps pour construire demain ; ce monde un peu rêvé, très utopique, où chacun a sa place et s’en rend compte.

Aujourd’hui, je peux être qui je veux et vivre aussi haut que mes rêves. Je suis animatrice dans un des lieux de mon service civique, à Paris, et je pars un an en Nouvelle-Zélande l’année prochaine… L’aventure ne fait que commencer !

La zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans

La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.

Tous leurs récits sont à retrouver sur la-zep.fr, et, pour la plupart, ci-dessous :