Dans le musée d’art contemporain de Bordeaux, deux conducteurs guident des voitures télécommandées à distance qui s’affrontent à une dizaine de kilomètres de là, à Mérignac. A gauche, l’image est nette, précise, rapide : le conducteur bénéficie d’une connexion 5G. A droite, l’écran est plus fou, le défilé des images plus lent : le conducteur utilise la 4G. Même si le conducteur en 5G évite de peu l’embardée, la démonstration est parlante quant au potentiel de la prochaine norme de téléphonie mobile, qui va accroître sensiblement les débits et proposer une réactivité en direct.

Mardi 3 juillet, Bouygues Telecom a lancé son expérimentation en 5G. « C’est la première réalisée dans les conditions du réel, avec les vrais équipements réseau. Jusqu’à maintenant, les expérimentations restaient dans les laboratoires », a expliqué Olivier Roussat, le PDG de Bouygues Telecom, faisant aussi référence à Orange et à SFR.

« Nous faisons ce qu’il faut pour être prêt. Mais on ne peut rien faire sans licence » Olivier Roussat

« La France est dans le peloton de tête en Europe », s’est félicité le dirigeant de l’opérateur mobile, répondant indirectement aux reproches de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) sur le peu d’entrain des opérateurs à se lancer sur cette nouvelle technologie. « Nous faisons ce qu’il faut pour être prêt. Mais on ne peut rien faire sans licence », a-t-il poursuivi, rappelant que la balle était dans le camp du régulateur des télécoms. Ce dernier a prévu de lancer un appel d’offres sur ces nouvelles fréquences fin 2019 pour une attribution en 2020. Les premiers smartphones, eux, n’arriveront pas dans le commerce avant le premier semestre 2019.

La 5G pour désengorger les zones très denses

Le déploiement du réseau, même si Bouygues Telecom assure ne pas attendre pour mettre ses antennes au niveau, est soumis aux modalités d’attribution des fréquences. Feront-elles l’objet de coûteuses enchères, comme dans le passé ? Le gouvernement a prorogé les fréquences actuelles de dix ans, renonçant à toute manne financière. En échange, les opérateurs ont accepté d’accélérer la couverture de la France en 4G.

Le 27 juin, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la cohésion des territoires, Julien Denormandie, a laissé entendre que ce « changement de paradigme pourrait être renouvelé », même si la décision sur le sujet relève de Bercy. Pas question en tout cas de déstabiliser les comptes de l’entreprise. « Il n’y aura pas de baisse, mais pas de hausse de nos investissements », a affirmé Olivier Roussat, rappelant que Bouygues Telecom dépense un milliard d’euros par an.

« Les déploiements iront moins vite que la 4G, car cela est moins attendu par nos clients », Jean-Paul Arzel

D’autant que de nouveaux modèles économiques devront être identifiés. Dans un premier temps, la 5G ne devrait pas changer la vie du grand public, mais servira surtout à désengorger les zones très denses, où la 4G ne suffit plus. Dans ce contexte, difficile de surfacturer ces nouveaux débits. « Les déploiements iront moins vite que la 4G, car cela est moins attendu par nos clients », a reconnu Jean-Paul Arzel, le directeur réseau de l’entreprise.

En revanche, l’opérateur espère développer de nouveaux services entreprise. A Bordeaux, Bouygues Telecom a conclu un partenariat avec Exelus dans la télémédecine. La start-up a mis en place une solution qui permet à un médecin urgentiste de guider à distance les gestes de premier secours d’un ambulancier. La maintenance constitue un autre champ d’application de la 5G, permettant à un technicien de recevoir en direct sur des lunettes de réalité augmentée les informations concernant une panne et la façon de la réparer.

Reste à savoir si les opérateurs télécoms resteront toujours en première ligne : les industriels pourraient être tentés de demander des fréquences et de développer leurs services en solo. L’une des préoccupations de l’opérateur.