Eike Batista, le 31 janvier 2017 à Rio de Janeiro. / Ueslei Marcelino / REUTERS

Du temps de sa splendeur, Eike Batista aimait poser devant les photographes dans sa résidence de Rio de Janeiro aux côtés de sa Lamborghini « décorative ». Doté d’un patrimoine estimé à 30 milliards de dollars en 2012 (26 milliards d’euros actuels), il prétendait alors dépasser Steve Jobs dans le classement des plus grandes fortunes mondiales et faisait jaser la presse brésilienne avec ses postiches italiens à 50 000 reais (11 000 euros actuels) censés masquer une calvitie naissante.

Mardi 3 juillet, c’est un homme ruiné, le crâne rasé, qui a entendu la sentence prononcée par le juge Marcelo Bretas : une peine de 30 ans de prison assortie d’une amende de 53 millions de reais, infligée pour corruption et blanchiment d’argent. Eike Batista est accusé d’avoir versé, en 2010, 16,5 millions de dollars de pots-de-vin à l’ancien gouverneur de Rio, Sergio Cabral. Ce dernier qui en est à sa sixième condamnation cumule désormais une peine de cent vingt-trois ans et quatre mois de prison. Fernando Martins, avocat d’Eike Batista, a affirmé qu’il allait faire appel. « Le flou des accusations saute aux yeux », affirme le défenseur.

« Success story »

Devenu le symbole de la grandeur et de la décadence de Rio, Eike Batista fut longtemps un modèle de success story au Brésil. Fils de l’ancien président du géant minier Vale, Eliezer Batista, décédé le 18 juin à 94 ans, le jeune Eike, peu porté par les études, engrange ses premiers millions en traquant l’or d’Amazonie. En un an et demi, il se targue d’avoir amassé six millions de dollars, rapporte en 2017 le journal télévisé de la chaîne Globo.

Entrepreneur compulsif, il fonde alors une kyrielle de sociétés dans les secteurs de l’infrastructure, des mines, de la logistique ou de l’hôtellerie avec pour seule stratégie de suivre son flair. Son empire hétéroclite se distingue alors par sa lubie de milliardaire superstitieux : toutes ses sociétés portent la lettre X, symbole de la multiplication des richesses.

Star des gazettes mondaines avec son épouse, la top-modèle Luma de Oliveira, coqueluche des politiciens, Eike Batista s’improvise alors mécène de Rio, distribuant les chèques pour soutenir la création des Unités de police pacificatrice (UPP) censées rétablir la paix dans les favelas, l’organisation de Jeux olympiques de 2016 ou pour racheter l’hôtel Gloria, palace décati de l’ancienne capitale brésilienne, à qui il promet de redonner le charme des années 1920.

Considéré par la présidente Dilma Rousseff, élue en 2010, comme la fierté du Brésil, Eike Batista tombera en disgrâce à partir de 2012. Sa compagnie pétrolière OGX, qui a fait quatre ans plus tôt une entrée en bourse spectaculaire sans qu’aucune goutte de pétrole n’ait encore été extraite, doit réviser à la baisse les prévisions de production d’or noir. Les marchés s’affolent. Le château de cartes d’un entrepreneur qu’on dit désinvolte commence à s’effondrer. La crise ne l’épargne pas. Et en 2015, accusé de fraude, ses bolides, son yacht… sont saisis par la justice. En 2017, la police frappe à nouveau à sa porte le suspectant d’avoir participé à un schéma de corruption tentaculaire qui lui vaut aujourd’hui trente ans d’incarcération.