Après le Mexique et le Maroc, Safran a choisi de grandir en Pologne. / PASCAL PAVANI / AFP

Safran étend son empreinte à l’international. Depuis trois ans que Philippe Petitcolin est aux commandes, le motoriste se développe à vive allure hors de France. Après le Mexique et le Maroc, Safran a choisi de grandir en Pologne. Le patron du motoriste a inauguré, mercredi 4 juillet, une nouvelle usine à Rzeszow, dans le sud-est de la Pologne. Une implantation industrielle supplémentaire destinée à la production d’aubes de turbines basse pression. Une des pièces majeures du nouveau moteur Leap de CFM International, la société commune de Safran et de l’Américain G.E. Le Leap qui doit équiper les nouveaux moyens courriers d’Airbus et de Boeing, l’A320 Neo et le 737 Max, mais aussi le C919 chinois, est le second blockbuster de Safran. « A peine lancé, le Leap a déjà été commandé à plus de 15 000 exemplaires, soit dix années de travail garanti », s’enorgueillit le motoriste. Evalué au tarif catalogue, c’est une manne de 210 milliards de dollars (environ 180 milliards d’euros) qui devrait rentrer dans les caisses des deux partenaires français et américain. Un véritable pactole pour G.E. et Safran qui ont déjà investi un milliard de dollars pour le développement du Leap.

A l’examen, le choix de Rzeszow ne doit rien au hasard. « Pourquoi la Pologne ? », s’interroge un cadre dirigeant du motoriste : « 100 % de pièces bonnes, livrées à l’heure, jamais de problème », répond-il. Safran est présent dans le sud-est de la Pologne depuis 2001. Une région désormais dénommée « la vallée de l’aviation ». Outre Safran, le motoriste britannique Rolls-Royce et d’autres équipementiers internationaux sont aussi installés dans les environs. Un renouveau pour cette zone qui avant la seconde guerre mondiale rassemblait déjà les sites industriels aéronautiques de la Pologne.

Une main-d’œuvre bon marché

Cet historique a permis à Safran de développer ce qu’il nomme un « éco-système industriel ». Un savant cocktail qui assemble une main-d’œuvre bon marché, une formation technologique et universitaire de qualité et la proximité d’une zone de chalandise. Toutefois, M. Petitcolin reconnaît volontiers que le principal ingrédient de ce mélange à succès c’est la modicité des rémunérations des personnels embauchés sur place. « En moyenne, les salaires des techniciens et ingénieurs en Pologne sont moitié moindre qu’en France », admet le directeur général. Le différentiel est encore plus important pour les ouvriers polonais qui gagnent trois fois moins que leurs homologues français.

Safran Aircraft Engines Poland (SAEP), la division polonaise du motoriste monte rapidement en puissance. En 2017, elle employait 16 000 salariés répartis sur 35 sites et son chiffre d’affaires a atteint neuf milliards d’euros. A l’avenir, le rythme ne risque pas de ralentir. La nouvelle usine de Rzeszow a été construite « pour sécuriser la production du Leap », indique M. Petitcolin. En clair, Safran va devoir accompagner sans faiblir la montée en cadence des productions des moyen-courriers d’Airbus et de Boeing. L’avionneur européen a, officiellement, pour objectif de sortir de ses chaînes d’assemblage 60 exemplaires d’A320 Neo à la mi 2019 et 63 à la fin de l’année prochaine. Dès que ce seuil sera atteint, Airbus aurait pour but de pousser encore son tempo pour produire jusqu’à 75 exemplaires chaque mois. Un rythme endiablé également tenu par Boeing pour son 737 Max. Grâce à la Pologne, Safran ne devrait pas ralentir les deux avionneurs. Dès 2018, SAEP prévoit de produire 180 000 aubes basse pression puis 800 000 en 2022 avec pour objectif d’atteindre le million.

Après le Mexique, le Maroc et la Pologne c’est en Inde que Safran veut trouver un nouvel éco-systeme à succès. Le motoriste a déjà posé le pied à Hyderabad, au sud de l’Inde. Une usine de câblage dont la production « devrait parvenir à sa vitesse de croisière en 2019 ». A en croire Philippe Petitcolin, « l’Inde possède un potentiel énorme d’ici 15 ou 20 ans ». Elle devrait constituer pour Safran, « un nouvel outil de compétitivité », précise le directeur général. Notamment pour alimenter les marchés asiatiques. Toutefois, le principal atout de l’Inde réside, comme le reconnaît M. Petitcolin, dans « son potentiel de low cost ». Les rémunérations très faibles des futurs salariés indiens. Un critère déterminant pour le motoriste qui devrait arbitrer prochainement la localisation de certaines de ses productions entre l’Inde et la Chine. « C’est une question qu’il va falloir se poser », signale-t-il. Toutefois, à l’en croire, ses développements internationaux ne pèsent pas sur l’activité du groupe en France. Notamment grâce à la croissance continue du secteur aéronautique dans le monde.