De gauche à droite : Hervé Morin, président de Régions de France, Dominique Bussereau, président de l’Association des départements de France, et François Baroin, président de l’association des maires de France, à Paris, le 3 juillet. / JACQUES DEMARTHON / AFP

Editorial du « Monde ». Entre l’Etat et les collectivités territoriales, le divorce est impossible. Trop d’intérêts réciproques, à commencer par l’intérêt national, trop d’actions complémentaires entre Paris et les territoires, trop de liens et de dépendances financières l’interdisent. Mais cela n’empêche pas, bien au contraire, les scènes de ménage.

Les trois grandes associations représentatives des élus locaux – l’Association des maires de France (AMF), l’Association des départements de France (ADF) et Régions de France – viennent d’en faire une nouvelle démonstration. Elles ont annoncé, mardi 3 juillet, qu’elles boycotteront la conférence nationale des territoires, prévue le 12, et la réunion préparatoire organisée ce mercredi avec le premier ministre à Matignon.

Leurs griefs se sont accumulés ces derniers mois : contrats de maîtrise de la dépense que 70 % des collectivités concernées ont fini par signer mais avec le sentiment, pour beaucoup, d’y être contraintes et forcées ; recentralisation de l’apprentissage et de la formation professionnelle au grand dam des régions ; abondement insuffisant des allocations individuelles de solidarité dont les départements ont la charge ; fermeture de services de proximité, après la réduction brutale du nombre d’emplois aidés par le budget 2018. La suppression annoncée de la taxe d’habitation et la réforme de la fiscalité locale qu’elle entraînera avivent plus encore les inquiétudes des élus.

« Simulacre de dialogue »

Au-delà de ces dossiers techniques, mais très sensibles, c’est la méthode du gouvernement que récusent les grands élus. Le président de la République avait proposé en juillet 2017 aux « territoires » de conclure avec l’Etat de « vrais pactes girondins fondés sur la confiance et la responsabilité ». Les conférences nationales des territoires, semestrielles, devaient être l’instrument de ce dialogue. Un an plus tard, les représentants des communes, des départements et des régions n’ont pas de mots assez durs pour dénoncer un « simulacre de dialogue », une « mise sous tutelle » humiliante et une « recentralisation » sans précédent depuis trente ans.

Jeux de postures d’élus locaux qui défendent leurs prés carrés, déplore le premier ministre, droit dans ses bottes. Ce n’est pas faux. Mais cela n’efface pas le revers politique que constitue, pour le gouvernement, le boycottage de la conférence du 12 juillet. Le pacte de confiance proposé par le chef de l’Etat est ébranlé, voire rompu. La défiance qui prévaut désormais entre Etat et collectivités territoriales va rendre plus épineuse encore la réforme programmée de la fiscalité locale. L’on imagine mal un tel chantier engagé sans la coopération active des principales associations d’élus.

Enfin, à vouloir imposer ses vues de façon trop impérieuse, le gouvernement prend un sérieux risque politique. En braquant les présidents de l’AMF, de l’ADF et de Régions de France, trois barons de la droite, il donne imprudemment crédit aux critiques des Républicains et de leur président, Laurent Wauquiez, sur l’ignorance, voire le mépris du pouvoir exécutif à l’encontre des territoires. A la veille du débat sur la révision constitutionnelle, dont l’adoption nécessitera in fine l’assentiment des sénateurs, l’attitude du gouvernement est pour le moins imprudente. Pour l’instant, c’est un avertissement sans frais que viennent de lui adresser les élus locaux. Il ne serait pas malhabile d’en tenir compte.