Ansar Al-Haqq était l’un des sites de référence de la mouvance djihadiste en France, dans la deuxième moitié des années 2000. / DANIEL MIHAILESCU / AFP

A la fin des années 2000, dès avant la guerre en Syrie, le site Ansar Al-Haqq était une référence du Web djihadiste en français. Quatre hommes soupçonnés de l’avoir animé, dont Farouk Ben Abbes, présenté comme une figure de l’islamisme radical, sont jugés à partir de mercredi 4 juillet à Paris.

Trois comparaîtront jusqu’à vendredi pour association de malfaiteurs à visée terroriste, pour avoir administré ou animé entre 2006 et 2010 ce forum désormais fermé, dont le nom signifie « Les partisans de la vérité ». Le quatrième, parti en Irak et en Syrie en 2015, manque à l’appel.

Tous sont accusés d’avoir « endoctriné », « incité », voire « recruté » pour le combat armé par diverses publications sur ce forum qui « soutenait ouvertement les combattants djihadistes et les organisations terroristes », dans un « djihad médiatique » prôné notamment par Al-Qaida.

Sur Ansar Al-Haqq, créé en 2006 par une femme condamnée par ailleurs, des revendications d’attentats par divers groupes djihadistes, des appels à combattre les « mécréants », la propagande des Chabab somaliens ou de l’Etat islamique d’Irak, les numéros de téléphone de talibans afghans ou encore des appels aux dons pour des « frères » incarcérés étaient publiés.

En 2010, au moment de la mise en examen des quatre hommes, le site comptait 2 000 membres, dont près de 500 actifs, et quelque 39 000 messages. Décrit par les juges comme le « site francophone djihadiste de référence », il continuera à fonctionner encore plusieurs années.

Parmi les prévenus, sous contrôle judiciaire, figure Farouk Ben Abbes, 32 ans. Cet homme présenté comme une figure de la mouvance islamiste radicale, dont le nom est apparu à plusieurs reprises dans des dossiers antiterroristes récents, sera jugé pour la première fois dans une affaire de ce type.

Le Belgo-Tunisien était jusque récemment l’un des plus anciens assignés à résidence de France : il était soumis à cette mesure, levée en mai, depuis les lendemains des attentats du 13 novembre 2015. C’est par la voix d’un de ses proches, Fabien Clain, que les attaques avaient été revendiquées pour le compte de l’organisation Etat islamique.

« La moitié du combat »

Jamais condamné, sauf pour des manquements à cette assignation à résidence, il a bénéficié d’un non-lieu dans une enquête sur des projets d’attentats signalés en 2009 par les autorités égyptiennes, où la salle de spectacles du Bataclan apparaissait parmi les cibles, six ans avant l’attaque du 13 novembre qui y fit 90 morts.

Entre autres publications, Farouk Ben Abbes est accusé d’avoir diffusé sur Ansar Al-Haqq l’ouvrage 39 Moyens pour servir le djihad et y participer, qu’il avait traduit lors d’un séjour clandestin à Gaza, le 34e moyen étant le « djihad électronique ».

« Le djihad médiatique est la moitié du combat » : la formule accompagnait chacun de ses messages sur le forum.

« Très fréquemment consulté par la plupart des islamistes radicaux français » poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste, selon les juges, le site mettait aussi le logiciel de cryptage Mujahideen Secret à disposition de ses membres.

Farouk Ben Abbes, qui nie toute incitation au djihad, « cristallise autour de lui depuis des années une fièvre médiatique et ce qui l’accompagne : un acharnement administratif », ont déploré ses avocats, William Bourdon et Vincent Brengarth.

Ils ont dénoncé une « distorsion flagrante entre l’image qui est ainsi véhiculée complaisamment » de leur client « et la vérité du dossier ».

A son retour de Gaza, Ben Abbes avait été arrêté en avril 2009 en Egypte puis remis à la Belgique en 2010, et interpellé en France la même année dans l’enquête sur les projets d’attentats.

Les investigations franco-belges avaient confirmé l’ancrage de M. Ben Abbes dans la mouvance islamiste radicale, notamment sa proximité avec les frères Clain et avec Thomas Barnouin, vétéran du djihad aujourd’hui détenu en Syrie par les forces kurdes.

Mais un non-lieu avait été prononcé en 2012 par les juges parisiens, faute d’avoir pu recueillir des charges suffisantes auprès des autorités égyptiennes.