Un millier de personnes se sont réunies pour une marche en mémoire d’Aboubakar, tué par un policier lors d’un contrôle d’identité, mardi 3 juillet à Nantes. / DAMIEN MEYER / AFP

Quarante-huit heures après la mort d’Aboubakar F., jeune homme de 22 ans, lors d’un contrôle policier, mardi soir, à Nantes, un millier de personnes se sont rassemblées jeudi, à 18 heures, sur les lieux du drame, où de nombreux bouquets de fleurs ont été déposés.

Avec des roses blanches et rouges à la main, de nombreux habitants de la cité ont marché derrière la famille du défunt, venue du Val-d’Oise, qui n’a pas souhaité s’exprimer devant la presse, estimant qu’il était encore « trop tôt » pour elle. Son avocat, présent également, a fait le même choix et annoncé qu’il prendrait « peut-être » la parole ce vendredi.

Tout au long du parcours, qui a emprunté plusieurs rues du quartier, des voix se sont élevées pour demander « Justice et vérité pour Abou », avant un long moment de silence que les pleurs d’une femme ont fini par déchirer.

« Ce qui est arrivé est terrible », répètent ce jeudi des mères de famille. « Le portrait que l’on fait de lui, cette histoire de mandat d’arrêt [émis en juin 2017 par un juge d’instruction de Créteil des chefs de « vol en bande organisée, recel et association de malfaiteurs »], c’est tout ce que les gens semblent retenir. Cette image de délinquant ne colle pas avec le garçon que l’on connaissait ici. Pour nous, il était un jeune homme souriant et correct. »

« Soulagés d’apprendre que la justice avance »

Ce jeudi, la nouvelle du placement en garde du CRS soupçonné d’avoir ouvert le feu et provoqué la mort d’Aboubakar F. n’a pas manqué de susciter des réactions dans le quartier, où le communiqué du procureur de la République a circulé à vitesse grand V. « Nous sommes soulagés d’apprendre que la justice avance, a notamment commenté Saïd, un responsable associatif du Breil, qui essaie, avec d’autres, de canaliser les plus jeunes depuis le drame. Mais nous préférons rester prudents. Nous craignons que tout cela ne soit qu’un leurre, une sorte de placebo pour obtenir l’apaisement. »

Un autre habitant ne dit pas autre chose : « On attend de voir la suite. Cette garde à vue, c’est déjà ça, mais ça ne suffit pas. Il faut qu’il assume ses actes. » « Moi, c’est l’intitulé qui me gêne », ajoute un Nantais, venu d’un autre quartier. « Il est placé en garde à vue pour “violences entraîné la mort sans intention de la donner”. Sans intention de la donner ? Une balle dans le cou, ça n’est pas une balle dans le bras, que je sache. »

Après deux nuits sous haute tension, au Breil et dans plusieurs autres quartiers nantais, les uns et les autres sont restés un long moment sur place, dans le calme, pour entourer la famille. Tous ont finalement été brutalement dispersés, quand une voiture a subitement fait vrombir son moteur, accéléré et foncé en direction de la foule, qui a réussi à s’écarter au dernier moment. Personne n’a été blessé, mais l’événement a semé un vent de panique pendant quelques minutes. Selon un habitant de la cité, qui était « allé aux renseignements » jeudi soir, le chauffard était « un riverain énervé qui voulait quitter au plus vite le parking ».

A 21 heures, de nombreux habitants du quartier espéraient – mais sans trop y croire – que la nuit prochaine serait « plus calme », à Nantes.